Nous voulions voir le toit du monde - de Kandahar à Kaboul
Qandahàr ou Kandahàr, situé à l’extrême sud de l’Afghanistan est une ville chargée d’histoire.
Supposément fondée par Alexandre le Grand, roi de Macédoine, la ville à fait l’objet de nombreuses attaques de par sa position stratégique en Asie Centrale, conquises tour à tour par les Turcs, les Arabes, les Mongols, les Perses et même les Indiens pour finir par être reprise par les islamistes.
En mille neuf cent soixante-dix-sept, l’Afghanistan était une république progressiste ouverte sur le monde ou l’accueil y était chaleureux.
Le droit de vote pour les femmes avait été instauré en 1965, elles avaient le droit aux études, de travailler dans toutes les sphères de la société, elles pouvaient conduire des véhicules et aller aux spectacles, elles ne portaient pas le voile, seules quelques rares exceptions dans les régions rurales portaient le voile intégral.
Comme dans tous les pays, les traditions étaient plus ancrées dans les campagnes qu’a la ville.
Difficile d’imaginer qu’après trente ans de guerre ce pays retomberait aux valeurs du Moyen Âge et rien ne laisser entrevoir qu’il deviendrait l’un des pays les plus pauvre et parmi les plus dangereux au monde.
À cette époque nous ne ressentions aucune animosité envers les Occidentaux, les Afghans étaient plutôt curieux et posaient beaucoup de questions, la plupart voulaient connaître nos différences, notre culture c’est comme cela qu’un de nos hôtes nous avoua être encore célibataire a quarante ans parce qu’ils n’avaient pas les moyens pour prendre épouse.
Nous l’avions rencontré lors d’une halte carburant, il travaillait dans une station-service au milieu de nulle part et nous avait expliqué qu’il lui fallait donner trois chameaux et une dizaine de chèvres à la famille de celle qu’il convoitait et comme il ne pouvait toujours pas, il devait travailler la nuit dans cette station pour pouvoir accumuler suffisamment d’argent.
Imaginez sa surprise lorsque je lui dis que là d’où nous venions, les femmes étaient libres et que nous n’avions pas a donner ou payer quoi que ce soit pour vivre ensemble.
Nous ne sommes restés que deux jours, le temps de refaire quelques provisions et le plein, car nous avions cinq cents kilomètres à parcourir avant Kaboul.
La route était belle, droite, je crois me souvenir que cette partie avait été construite avec l’aide des Américains et était en asphalte alors que l’autre moitié, celle entre Herat et Kandahar avait été construite par les Russes en plaque de béton.
Devant nous, le désert, tantôt nous croisions des camions afghans richement décorés, tantôt une caravane de chameaux, tantôt des marcheurs, tantôt un fier cavalier.
Malgré la chaleur et la poussière ils étaient chaudement vêtus, est-ce leur façon de combattre l’ardeur des rayons du soleil ? Est-ce par tradition culturelle ? Ou un peu des deux ?
C’est surprenant de croiser des marcheurs en zone désertique ; Pour marcher sur de l’asphalte avec des chaussures en pneu, il faut avoir une bonne couche de corne au pied pour résister de tels traitements.
Le trajet se déroula sans encombre, la circulation devint plus dense aux abords de Kaboul, c’était une route à quatre voies avec un fossé au centre, relativement plate, pas de nid-de-poule, il n’y avait aucun obstacle et pourtant un camion avait trouvé le moyen de se renverser en faisant demi-tour, comme si le chauffeur n’avait pas vu la tranchée… Peut-être avait-il fumé un trop bon joint ce jour-là…
Kaboul, la capitale, située a mille cinq cents mètres d’altitude sur les contreforts de l’Hindou koush, cette chaîne de montagnes aride dont le plus haut sommet culmine a sept mille sept cents mètres, un climat continental, froid jusqu’à -15*C en hiver, chaud et sec en été jusqu’à 30*C. Malgré son altitude, je ne me souviens pas avoir grimpé une côte pour y arriver,
La ville abritait cinq cent mille habitants dans les années 75, paraît-il qu’ils seraient près de trois millions présentement.
Composé de Pachtounes, de Tadjiks et d’Azaras, on y parle le « dari » une variante de la langue perse. Nous sommes passés un peu plus d’un an avant le coup d’État qui a mis le feu aux poudres et nous n’avions ressenti aucune tension, aucun mouvement, rien n’était perceptible et ne laissait prévoir que ce pays serait à feu et à sang pendant de longues années.
Je me souviens d’un jeune apprenti boulanger, fier de poser pour la photo avec le pain qu’il venait à peine de sortir du four.
Il faut dire que les fours Afghans sont très particuliers, un peu comme une jarre à l’envers dans le sol avec un orifice circulaire au sommet permettant de coller le pain, en forme de fougasse, sur la paroi avec une sorte de gaffe, le feu de bois est au fond et le pain cuit en quelques minutes, puis on le retire délicatement par le même orifice avec ladite gaffe pour le manger dans les plus bref délais.
Son goût était vraiment exquis, un vrai délice, c’était comme de manger du gâteau, nous l’avons dévoré sur place et sommes revenus le lendemain dans l’espoir d’en avoir plusieurs, il faut dire que les afghans en mangent beaucoup c’est quasiment l’aliment de base, son goût inimitable est vraisemblablement dû à la qualité du blé cultivé dans la plaine.
Puis il y a les traditionnels vendeurs de thé avec leur Samovar et leurs petites théières en porcelaine bleue, bien chaudes, remplies d'un thé corsé que l’on boit dans de petit bol en mangeant le fameux pain Afghan.
Ce sont souvent les choses les plus simples qui sont les meilleures.
Nous ne pouvions quitter Kaboul sans avoir visité son immense Bazar, avec son dédale de ruelles, ses odeurs, ses marchands d’épices, de tapis, de vêtements traditionnels, de paniers, de babioles de toutes sortes, une vraie caverne d’Alibaba, comme la voiture n’était pas assez grande, nous nous sommes limités à quelques petits articles, comme une théière de voyage et un "Pakol" le célèbre chapeau Afghan en laine de chameau si fièrement porté par "feu le Commandant Massoud".
Il aurait fallu une bonne semaine pour le visiter au complet, mais nous avions encore beaucoup de chemin à parcourir et avant de partir nous ne pouvions rater l’occasion d’acheter du pain pour la route.