Nous voulions voir le toit du monde - Katmandu - Birganj
Après quelques jours, malgré le pittoresque de la ville, l’accueil chaleureux, le sourire des Népalais, les diverses rencontres et les découvertes culinaires, le besoin de changer d’air, de voir d’autres horizons, nous démangeait.
Une fois les adieux fait, nous prenions la route pour Raxaul (Inde), la distance qui nous séparait de la frontière pouvait sembler courte, cent quarante kilomètres, avec une route normale c’était faisable en un couple d’heure, mais peu de temps après avoir quitté la ville la route grimpait assez rapidement.
Notre vaillante 2CV n’eut que peu de temps pour se réchauffer qu’elle fut tout de suite sollicitée.
L’altitude de Katmandu est aux environs de mille trois cents mètres d’altitude, le premier col est à deux mille deux cent cinquante mètres, ce qui pourrait paraître acceptable au premier abord, sauf que tout dépend de la pente…
Si au début celle-ci n’était que de deux cent cinquante mètres sur quatorze kilomètres, ce qui donne un et demi a deux pour cent de pente, ensuite elle passait à six cents mètres sur une dizaine de kilomètres, ce qui donne du six a huit pour cent de pente avec tout une série de virages en épingle très serrés.
Mais la deudeuch en avait vu d’autres dans les Alpes et le Massif Central, elle grimpa doucement mais sûrement en deuxième, le paysage était magnifique et il faut reconnaître qu’à dix kilomètres a l’heure de vitesse on a le temps de l’admirer.
Passé les dernières épingles c’est là que ça se corsait, même en deuxième elle commençait à peiner, a tel point que je n’eus d’autre choix que de m’arrêter en pleine côte puis passer en première et espérer repartir.
Imaginez un peu, la main droite tire le frein à main, le pied droit écrase le frein, le pied gauche tient l’embrayage enfoncé, la main droite engage la première vitesse alors que la gauche agrippe le volant ; Ce n’est pas le moment de rater son coup, la pente est vraiment raide, la seule échappatoire serait de braquer le volant à droite puis de percuter la paroi rocheuse… ce n’est pas le temps d’y penser… Prêt ?….
Alors, le pied droit lâche le frein et saute sur l’accélérateur, le pied gauche lâche un quart d’embrayage et la main droite lâche le frein à main alors que le pied droit écrase cette fois l’accélérateur pendant que le gauche relâche l’embrayage, tout cela en un quart de seconde ; Ça patine, le moteur grogne grave mais ça avance, c’est bon signe… pied au plancher, la deudeuch grimpe mètre par mètre, nous voilà sortis d’affaire.
Décidément cette voiture ne payait pas de mine, malgré ses dix ans d’âge, c’était un vrai cheval de labour, toutefois j’avais le sentiment qu’elle souffrait le martyr, que toute la mécanique travaillait au maximum de ses possibilités, je commençais à craindre pour sa température, il n’y avait pratiquement plus de refroidissement, en effet seul le ventilo à l’avant diffusait un peu d’air pour refroidir les cylindres fortement sollicités, je me demandais si elle allait tenir le coup, le calvaire ne dura qu’une dizaine de minutes mais quelles minutes…
Enfin, le col était passé, mais si cela monte franc d’un côté, il y a fort à parier que cela descend aussi sec de l’autre côté.
La mécanique pouvait refroidir durant la descente, malgré le frein moteur, mais cette fois c’étaient les freins hydrauliques qui étaient régulièrement sollicités, manque de bol, celui de droite semblait ne plus fonctionner, hors devant une telle descente et sans savoir ce qui allait suivre, j’étais contraint de m’arrêter aussitôt que possible pour vérifier la source du problème.
Profitant d’un faux plat, je stationnais sur l’accotement, ouvris le capot et découvrais que le frein droit fuyait au niveau d’un raccord juste avant la roue.
Nous ne pouvions continuer ainsi aux risques de vider le réservoir d’huile hydraulique et avec les montées et descentes qui nous attendaient.
La 2CV a cela d’extraordinaire que son capot moteur est très facile d’accès, la place entre les différentes composantes est assez grande pour y glisser soit une main soit un outil et tout y est visible sans grands efforts.
Ayant entrepris le démontage dudit raccord, je constatais qu’il était fendu, après quelques minutes de réflexion, j’optais pour une solution tout à fait empirique, celle-ci consistait à boucher l’orifice, tout simplement, avec une vis et une bande de « Téflon », le tout serré à bloc. De cette façon, j’enrayais la fuite et renvoyais toute la pression du freinage sur la roue gauche.
Après quelques essais, ne voyant pas une goutte de liquide suinter, nous reprenions notre descente en utilisant au maximum le frein moteur, ce fut long mais on n’est jamais trop prudent.
Nous suivions une vallée étroite jusque dans les environs de Kulekhani, devant la hauteur des sommets environnants, nous nous doutions bien que nous allions à nouveau grimper sévère.
Le moteur avait eu à peine le temps de refroidir que nous entamions la deuxième côte vers un deuxième col à mille neuf cents mètres, dont les virages et la pente n’avaient rien à envier au précédant, bien au contraire ils étaient pires, un dénivelé de cinq cents mètres sur cinq kilomètres, faites un rapide calcul… Dix pour cent de pente moyenne… Oups !
Nous étions chargés, il faisait relativement chaud et cette fois la première vitesse fut sollicitée sur de plus longues périodes, je priais pour que le moteur ne surchauffe pas mais je ne soupçonnais pas la réserve de capacité d’un deux cylindres à plat « Citroën », il est d’une robustesse incroyable et aucun col ne lui résiste.
La deudeuch grimpait à son rythme, sans broncher, comme un porteur népalais.
Puis ce fut la longue descente vers Birgunj, dernière halte avant la frontière.