Le paradoxe de théophraste
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Sabzevar (Iran) – Herat (Afghanistan)
Si la traversée de l’Iran nous a paru désertique ce n’était rien à comparer avec ce que nous allions traverser en Afghanistan, mais pour le moment nous profitions d’une de ces dernières petites oasis de verdure qu’est Sabzevar, au milieu de ce paysage martien ;
On pourrait aisément tourner des scènes de films sur Mars dans ce type de paysage sans que cela ne paraisse à l’écran, tout en ayant à proximité tout le confort terrien.
Sabzevar est situé dans la province de Khorasan-e-razavi au nord-est du pays, c’est une très vieille ville agricole, ou l’on y produit des fruits séchés et notamment des raisins secs, on y voit aussi les vestiges de l’ancienne ville sous la forme d’une tour de brique « Mil-e Khosrow Gerd » qui veut dire « La tour de briques du roi Khosrau ».
Comme c’est la plus haute tour de briques de la ville, elle servait de repère aux caravanes voyageant de Nishapur à Rey.
On dit que les nuits sont fraîches dans le désert, je confirme, surtout quand on est à près de mille mètres d’altitude.
Nous avions quatre cents cinquante kilomètres à parcourir avant la frontière Irano-Afghane et un passage douanier dont je me souviendrais longtemps.
Notre trajet nous amenait à passer, mais sans la voir, près de Mechhed (Mashhad), la plus grande ville de la région pour ensuite aller vers Torbat-e-jam puis Taybad, dernière cité avant ladite frontière dont le paysage environnant est de plus en plus sec avec une végétation quasi inexistante.
L’approche de la frontière se fait par une grande ligne droite, ou les camions sont sur une ligne séparée des voitures, nous nous sommes retrouvés arrêtés à une bonne centaine de mètres avec à notre droite une file de camions et devant nous une file de voitures.
Comme plus rien ne bougeait, nous avons arrêté le moteur de la voiture mais à quelques mètres de nous se trouvait un camion Afghan dont le chauffeur, qui était descendu bavarder avec ses collègues, avait mis la musique à fond avant de quitter sa cabine.
Si vous n’avez jamais entendu de musique traditionnelle afghane en boucle pendant une heure, je peux vous dire que pour des Occidentaux plutôt habitués à écouter de la musique rock, même si au début cela à un petit côté exotique, au bout de trente minutes vous trouverez cela un peu lourd. Nous avons eu beau fermer portes et fenêtres de la 2 CV, la bâche du toit ne filtrait pas grand-chose et nous avons dû l’endurer jusqu’à ce que la file de voitures qui, fort heureusement pour nos tympans, avançait plus vite, nous éloigne suffisamment pour échapper aux rythmes lancinants de cette musique dont les sonorités et les mélodies qui nous étaient totalement étrangères.
Mais nous n’étions au bout de nos peines, sortir d’un pays est toujours plus facile que d’y rentrer.
Quitter l’Iran fut relativement facile, par contre l’arrivée en Afghanistan en fut tout autre.
Entre le poste frontière de l’Iran et celui de l’Afghanistan il y avait un couloir, d’une cinquantaine de mètres, entre deux clôtures métalliques.
Côté Afghan on nous dirigea vers une sorte de grand terrain vague entouré de clôture avec plusieurs tables en bois, recouvertes de feuilles de métal, de quatre ou cinq mètres de long.
À chaque table, il y avait une voiture et deux douaniers, l’un d’eux demandait aux occupants de la voiture d’étaler tout sur la table afin de procéder à une fouille en règle.
Pendant que l’autre proposait discrètement, à ma compagne, du Hasch sous forme de tablette, l’autre fouillait et répétait régulièrement « Bakchich ? » en montrant un jean, une paire de chaussures ou une chemise, comme je disais « non » à chaque fois, il continuait en prenant son temps.
Il s’absentait vers sa guérite pendant de longues minutes et revenait à la charge, le manège dura environ trois bonnes heures.
J’ai résisté à la tentation de lui en donner un pour qu’il nous laisse passer, mais ce ne fut pas chose facile, pris entre les scrupules, les doutes sur la fiabilité du personnage et l’envie de quitter au plus vite cet endroit, ce qui me rassurait, c’était de voir que nous n’étions pas les seuls et qu’à certaines tables cela parlait haut et fort.
Nous finirons par avoir notre tampon d’entrée et le passage aura duré au total près de cinq heures, ce que nous ne savions pas, c’est que le retour serait pire.
Ce soir-là nous dormirons tranquille, à Hérat, dans un camping ou se regroupaient tous les voyageurs comme nous…
Dans les années 70, Téhéran était en pleine expansion, le Shah Reza Pahlavi avait des projets grandioses pour sa ville, il voulait en faire un pôle d’attraction sur le modèle de Los Angeles, un plan d’urbanisme avait été élaboré dès 1969 pour réorganiser le centre et la banlieue.
Le boom pétrolier de 1974 attirait de plus en plus de monde vers la capitale, les populations s’entassaient en périphérie ou c’était l’urbanisme sauvage qui régnait en maître avec des constructions toutes aussi pauvres les unes que les autres.
C’était une ville très compacte, étouffante pour des Européens, nous n’y sommes restés qu’une seule journée, mais nous ne pouvions passer à côté du palais de Golestan, chef-d’œuvre d’architecture perse, c’est aussi un des plus anciens bâtiments de la ville qui est fort bien conservé.
Il est aussi connu sous le nom de « Palais des fleurs » c’est un plaisir pour les yeux, très colorés, chaque centimètre carré est décoré.
À l’intérieur on y trouve le Takht-e Marmar, un trône de marbre particulièrement spectaculaire. C’est le second empereur de la dynastie Qadjar « Chah Fath Ali », qui en fit la commande, il y a plus de deux cents ans. Les sculpteurs travaillèrent durant plus de quatre années sur ce monument, il est constitué de soixante-cinq blocs de marbre. Le trône repose sur un socle soutenu par des silhouettes humaines et des piliers ornés de sculptures délicates qui n’ont rien perdu de leur magnificence.
Mais la densité de la population, la densité de la circulation et la densité des constructions urbaines nous faisaient oublier que nous étions au milieu d’un paysage montagneux et aux portes du désert de Kavir, lorsque nous avons repris la route le contraste nous a rapidement sauté au visage.
En moins de cent kilomètres nous étions en plein désert, la route longeait un pipeline qui partait de la région de Rasht, sur le bord de la mer Caspienne à plus de deux cents kilomètres au nord ouest de Téhéran et il allait jusqu’à Mashhad qui se trouve à cent kilomètres du Turkménistan.
Sur notre gauche, la haute chaîne de l’Elbourz et sur notre droite l’immense désert de Kavir.
Si faire le plein de carburant paraissait simple à Téhéran, il n’en était pas de même ailleurs.
Dans la région entre Sharud et Sabzevar, vers la mi parcours en direction de Mashhad nous trouvons enfin une petite station essence, le pompiste, souriant entrepris de faire le plein de notre 2 CV avec une pompe manuelle.
L'électricité n'était peut-être pas encore arrivée dans ce coin de pays.
Nous n’avions qu’un réservoir de trente-cinq litres, donc je me disais que ce ne serait pas long, il se mit donc à pomper calmement, chose curieuse il s’arrêtait souvent, comme pour reprendre son souffle.
Je présumais que la pompe devait être dure à manier et qu’il fallait faire beaucoup d’effort pour sortir quelques litres
Ce petit manège dura un bon moment à tel point que je commençais à me poser des questions sur son intégrité.
J'allais jeter un œil au compteur pour vérifier ou il en était rendu et quelle ne fut pas ma surprise en voyant le chiffre de « cinquante litres », c’est là que je compris pourquoi il s’arrêtait si souvent, il devait certainement attendre que la pompe se désamorce un peu et à chaque fois qu’il reprenait, cela n’empêchait pas le compteur de tourner, même si rien ne coulait dans le réservoir.
Je décidais de le laisser aller jusqu’au bout et en profitais pour consulter le manuel de la voiture, fouillant dans les pages à la recherche du paragraphe qui indiquait la contenance du réservoir.
Lorsque celui-ci me présenta le montant de cinquante-huit litres, je lui signifiais, avec beaucoup d'aplomb, qu'il était impossible d'en mettre autant en lui montrant le manuel comme preuve.
Cette fois il ne souriait plus, il devenait même un tantinet agressif, il réclamait son du... que faire au milieu de nulle part, quand vous vous retrouvez dans cette situation ? Difficile de savoir s'il va appeler des renforts ou s'il va en venir aux mains.
Ayant été confronté à la police de Téhéran quelques jours plus tôt, celle-ci n’étant pas plus tendre avec les gens du pays, j’eus l’idée de prononcer haut et fort le mot « Police », cela eut un effet immédiant sur mon adversaire, celui-ci devint plus calme voir même inquiet, il en vint à me demander gentiment le prix pour trente-cinq litres de carburant, tel qu’indiqué sur mon manuel.
Devant son changement d’attitude, je ne négociais même pas et payais les trente-cinq litres demandés, même si j’étais convaincu que nous n’avions pas vidé le réservoir.
Heureux et satisfait, malgré tout, d’avoir réglé ce petit incident en pensant qu’il devait être difficile pour lui de gagner sa vie dans cette région aussi isolée et que d’avoir payé pour quelques litres de plus n’était pas grand chose pour nous.
Ce soir nous dormirons à Sabzevar à quatre cents kilomètres de la frontière Afghane.
Au programme de la journée, six cents kilomètres de paysages montagneux et semi-désertique, il faut reconnaître que l’Iran est un des pays les plus montagneux du globe, l’altitude moyenne est proche de mille mètres.
Plusieurs chaînes de montagnes le traversent du Nord-ouest au Sud-est entourant de grands déserts dont le Grand Kavir, un désert salé situé quasiment aux portes de Téhéran et occupe à lui seul un sixième du territoire.
L’Iran est à la fois un pays de nomades et d’agriculteur, tous les fonds de vallée sont cultivés ce qui en fait des oasis de verdures dans ce paysage généralement aride.
Au nord, les monts de l' Elbourz, une chaîne de plus de cinq cents kilomètres, barrière naturelle entre le centre et la mer Caspienne, dont le plus haut sommet, Demavend, un volcan qui culmine à cinq mille six cent soixante-dix mètres, de quoi décourager les envahisseurs.
Très peu de forêts, donc très peu de bois, les matières premières pour les habitations rurales sont la boue d’argile, la pierre, la paille et quelques chevrons de bois.
De forme rectangulaire avec généralement un toit plat, quelquefois en dôme, de hauts murs entourent les édifices avec quelques tours d’angle et très peu de fenêtres.
Les murs sont très épais pour résister a la chaleur torride du soleil mais celle-ci est restituée la nuit et de ce fait l’intérieur des maisons est relativement tempéré.
Première étape Tabriz, une des plus anciennes villes d’Iran, elle est située à mille trois cent quarante mètres d’altitude dans une vallée fertile entourée de montagne dont les sommets au sud culminent à plus de trois mille sept cents mètres.
Un climat très contrasté, chaud en été, froid en hiver. Un passé chargé d’histoire remontant a plus de quatre mille ans, beaucoup d’invasions russes et ottomanes, plusieurs séismes ont fait que beaucoup de vestiges du passé ont été fortement touchés.
Octobre n’étant pas la saison la plus chaude, nous ne nous attardons pas et filons en direction de Zanjan, trois cents kilomètres plus loin, ce sera notre étape pour la nuit avant Téhéran.
Même si le pays est plus calme que la Turquie, nous gardons la bonne habitude de camper sur les stationnements de routiers, toujours plus fréquentés qu’ailleurs.
Après une nuit fraîche nous descendons en direction de la capitale à quelque trois cents kilomètres.
L’arrivée a Téhéran s’est faite par un bout d’autoroute qui débutait à quarante kilomètres du centre-ville, c’était assez surprenant, surtout après tous ces kilomètres de route de montagnes désertiques.
Difficile de rater la tour Shahyād (mémoire des rois en perse), monument de quarante-cinq mètres de haut, recouvert de marbre blanc, érigé dans les années soixante-dix, pour célébrer les 2 500 ans de l’empire Perse.
Une grande esplanade, très animée, bondée de jeunes iraniens qui vont et viennent, prémisse de ce qui allait être le renversement du pouvoir iranien, elle fut rebaptisée la tour Azadi (qui signifie Liberté) après les événements de 1979.
La circulation était très dense dans le centre-ville, étant à la recherche d’une auberge pour la nuit, nous tentions de déchiffrer les panneaux de rue et de direction lorsque, par inadvertance, j’ai accroché légèrement le pare-chocs de la voiture de devant.
Celle-ci ayant freiné brusquement au carrefour alors que les feux de circulation passaient au rouge.
Immédiatement le conducteur est sorti avec de grands gestes, hurlant à qui voulait l’entendre, que j’avais quasiment détruit sa belle voiture, alors qu’elle n’avait qu’une petite éraflure.
Inévitablement cela provoqua un attroupement et attira un policier, je voyais bien que le conducteur lui expliquait la situation en sa faveur, mais que faire quand on ne comprend un traître mot de ce qu’il se dit, mis à part quelques gestes évocateurs, en effet, je vis le policier sortir son carnet, prendre des notes, faire le tour de notre véhicule et de celui de l’autre conducteur, puis après un long conciliabule et dispersion des badauds, voilà que le policier tenta de me faire comprendre que je devais payer en me montrant son carnet.
Voyant que le chiffre me paraissait trop élevé pour si peu, je tentais à mon tour de lui expliquer par geste que c’était injustifié et que je n’avais pas l’intention de payer autant, lorsque celui-ci leva le ton et je crus comprendre que si je ne voulais pas payer, je devrais m’expliquer au poste ;
Croyait moi le mot « police » quel que soit le pays, on le comprend très bien.
D’un seul coup, d’un seul, les images du poste frontière sont revenues me rafraîchir la mémoire et me rappeler que ce n’était peut-être pas une bonne idée de contester quand on n’est pas chez soi et qu’en plus on ne comprend pas le dixième de ce qui se dit.
Comme je n’avais pas l’intention de moisir dans les geôles iraniennes pour quelques Rials, je payais sans broncher devant les sourires complices du conducteur et du policier.