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Epistolier - Résumés de livres - Nouvelles - Reflexions

Nous voulions voir le toit du monde - Erzurum (Turquie) - Bazargan (Iran)

19 Mars 2018, 18:24pm

Publié par Cire Cassiar

Dormir, l’esprit tranquille, en sachant que les forces de sécurité veillent sur vous, c’est bougrement rassurant.

Tout le monde ne peut pas en dire autant, ceux dont le pays est en guerre, sous la férule d’un dictateur ou dans des contrées sauvages où la loi du plus fort qui règne a coup de kalachnikov ou de machette.

Dans nos démocraties, nous ne connaissons pas notre bonheur, nous dormons sur nos deux oreilles et ne craignons pas de sortir le matin de notre maison, nous ne craignons pas de voir notre famille harcelée, notre habitat vandalisé ou saccagé.

On n’imagine même pas que cela pourrait arriver chez nous, on a oublié… pour nous c’est de l’histoire ancienne, ce sont des histoires de grands-pères… et pourtant…

Alors, lorsqu’on voyage dans des pays où la loi et l’ordre ne sont pas appliqués de façon uniforme, il peut arriver que l’on se retrouve en présence de situations inconfortables.

On devient impuissant, parce qu’on n’est pas préparé, néanmoins, malgré tout ce qu’on a pu nous dire, cela reste du domaine de l’abstrait tant qu’on ne l’a pas vécu.

Je dois dire que la Turquie des années soixante-dix/quatre-vingt était un pays où nous devions rester sur ses gardes avec des secteurs ou il fallait faire attention où nous mettions les pieds.

On devait rouler de jour, camper dans des lieux fréquentés par les routards et les routiers internationaux et rester sur les routes empruntées par ces mêmes routiers.

Au matin, après avoir chaudement remercié nos hôtes, nous avons repris la route E80 en direction du poste frontière de Gürbulak.

Lors de notre passage à Istanbul nous avions eu l’occasion d’échanger avec un couple qui revenait de Kathmandu, fort gentiment, devant un café, ils nous ont expliqué, avec notre carte, le meilleur trajet en rapport aux conditions de route et fréquentation.

Contrairement à ce nous pensions, la E80 n’était pas la meilleure, il semblait que de prendre la E691 puis de bifurquer en direction de Igdir était bien mieux, en effet c’était celle que tout un chacun empruntait pour rejoindre l’Iran.

La route étant en meilleur état elle était par le fait même plus fréquentée par les routiers internationaux, donc plus sûre.

Ce qui entraînait un détour de plusieurs dizaines de kilomètres, la route longe la rivière Araxe, frontière naturelle entre l’Arménie et la Turquie, puis à Igdir on prend la direction de Dogubayazit ou l’on passe un col à a plus ou moins mille sept cents mètres d’altitude.

Nous avions la conviction que s’il arrivait quoi que ce soit, il y aurait suffisamment de voyageurs pour nous venir en aide.

Mont Ararat, Noé, arche
Mont Ararat

Par contre nous sommes passés, sans le savoir, juste à côté d’un lieu mythique qu’est le mont Ararat.

Un ancien volcan qui culmine a plus de cinq mille mètres, recouvert de neiges éternelles.

Il faut dire que le paysage autour de nous était recouvert de neige, il est donc passé inaperçu à nos yeux.

De plus nous ne connaissions pas la légende qui veut que Noé ait échoué son arche au pied de cette montagne, avec le recul, je regrette de ne pas m’y être attardé.

C’était une piste carrossable ou, les camions, lourdement chargés et bien moins puissant que ceux de maintenant, roulaient à petite vitesse en file indienne sur des kilomètres.

La montée fut longue et tortueuse, il n’était pas facile de doubler les camions en montée à cause du manque de visibilité, il nous fallait slalomer entre ceux qui montaient péniblement et ceux qui descendaient.

Nous avons dû nous arrêter plusieurs fois, certains avaient dû stopper capot ouvert, les moteurs étaient mis à rude épreuve et devaient certainement surchauffer.

C’était un paysage de montagne, herbe rase et sèche avec quelques rares arbres, nous avons certainement vu le mont Ararat, pour nous c’était une montagne comme les autres et nous n’avions qu’un but, traverser le col le plus vite possible et passer la frontière avant la nuit.

Si en montée, il fait chaud dans une 2 CV, en descente il en est autrement, fin octobre à plus de mille mètres d’altitude l’air y est plutôt frais durant une longue descente avec un chauffage quasi inexistant.

Dogubayazit, virage à gauche, direction l’Iran, 35 km.

visa turquie iran
visa de sortie turc a Gurbulak

Sortir de la Turquie à Gurbulak était une affaire de rien, entrer en Iran à Bazargan était une autre paire de manches.

Arrivé côté Iranien, nous devions stationner la voiture à un endroit précis sous la supervision directe d’un douanier peu souriant, comme la plupart des douaniers des pays du monde entier.

Comment se fait-il que, quel que soit le pays, le douanier ou la douanière ne sourient jamais, il fait partie des premières personnes que l’on voit en arrivant, il ou elle représente l’accueil du pays et ils ou elles ont toujours le regard soupçonneux, comme si tous les touristes étaient des trafiquants, des voleurs ou des malfrats.

Il faut admettre que passer la frontière d’un pays est souvent une épreuve, c’est un peu comme quand on passe un contrôle routier, au moment où arrive le ou la policier (e) on a l’impression que l’on a quelque chose à se reprocher, même si tout est en ordre et que vous avez tous vos papiers, vous vous demandez « est-ce qu’il va trouver de quoi ? »

C’est curieux ce sentiment de culpabilité que provoque l’uniforme lors d’un contrôle de routine.

Quoi qu’il en soit, après avoir stationné la voiture, nous devions suivre un tracé qui nous amenait à traverser un hall avec des vitrines bien éclairées de chaque côté.

Et qu’est-ce qu’il y avait dans ces vitrines ? et bien des photos, des objets, des illustrations nous démontrant que si nous avions caché de la drogue, ils la trouveront.

Rappelez-vous « Midnight express »

On y voyez un pneu découpé avec des sacs de haschisch à l’intérieur, un réservoir de carburant ouvert avec des sachets de cocaïne, un matelas éventré, un thermos ou un bidon d’essence coupé en deux, des photos de dessous de voiture avec toutes les caches possibles, bref autant vous dire que si vous aviez de la drogue, vous deviez commencer à trembler avant même de parler à un douanier.

À cette époque, la police Iranienne n’était pas tendre avec les ressortissants étrangers pris en flagrant délit de transport de drogue.

Nous savions que pendant que nous étions à l’intérieur, plusieurs inspecteurs fouillaient consciencieusement notre véhicule de fond en comble.

Cette mise en scène était assez impressionnante et prenez plusieurs heures, car nous devions attendre notre tour dans le hall, avant d’être confronté à un douanier tout aussi souriant que le précédant.

Petits conciliabules avec les inspecteurs, tous les documents personnels étant passés en revue systématiquement, enfin le douanier compare la photo avec notre portrait, et là, on se sent tout petit, nous n’avions qu’une hâte, c’était qu’il prenne ce maudit tampon et qu’il le colle sur le visa.

Combien de fois on le voit hésiter au-dessus du passeport, comme s’il avait un doute, comme s’il n’était pas sûr de lui, il tournait les pages, revenait en arrière, en fait ce que l’on ne soupçonnait pas, c’est qu’il cherchait tout simplement une place pour le mettre et « clac » fit le tampon sur notre visa.

Soulagement, il nous rendit tous nos papiers, puis nous oublia et passa à une autre personne.

C’était fini, on n’existait plus pour lui, on pouvait partir et comme nous faisions mine d’hésiter, il nous fit signe avec la main de dégager le passage.

Ce soir-là, nous avons dormi sur un stationnement avec d’autres routards comme nous, nous étions tous épuisés, par la route, l’attente et le passage à la frontière.

Cinq heures pour faire trois kilomètres, c’est long… Mais ce ne sera pas le plus long passage…

 

.../...

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Nous voulions voir le toit du monde - Ankara - Erzurum

11 Mars 2018, 15:41pm

Publié par Cire Cassiar

Plus de mille deux cents kilomètres avant la frontière Iranienne, c’est beaucoup pour une 2CV en un seul jour.

Décidément les grandes villes sont toutes les mêmes, quelle que soit la région ou le pays.

Deuxième visite nocturne sur notre voiture, mais cette fois, seule la bâche protectrice avait été déplacée ; Quelqu’un avait visiblement été intrigué par ce qu’il y avait dessous et déçu par la difficulté à pouvoir subtiliser le stock facilement, il avait, par chance, abandonné l’idée.

Malgré tout, une vérification de l’attelage s’imposait, au cas où il manquerait une roue puis ce fut la mise en route.

route E80 centre Turquie
Route E80 en 1976 - centre Turquie

Cette fois nous partions pour un long périple, montagneux et sinueux ou la E80 actuelle n’a plus rien à voir avec la route d’antan, en 1976 ce n’était qu’une simple deux voies, elle suivait toutes les vallées et passait quelques petits cols, malgré cela, mis à part les descentes, il n’y avait pas moyen de faire de la vitesse.

Quoique faire de la vitesse avec une deudeuche soit un bien grand mot, toutefois nous ne pouvions dépasser les 70 km/h de moyenne, donc il devenait important de rouler aussi longtemps que possible.

Restait à savoir où nous allions atterrir et à quelle heure…

Fort heureusement pour nous, les conditions météorologiques étaient excellentes et l’état des routes acceptable. Aujourd'hui, il semble anodin de trouver une station d’essence par chez nous et bien dites-vous que dans certaines régions du monde, vous êtes mieux d’avoir un réservoir de secours et de sauter sur l’occasion de refaire le plein lorsqu’elle se présente.

Je n’ai pas grand-chose à dire sur les pompistes, si ce n’est qu’il n’était pas facile de communiquer lorsque vous parlez un anglais approximatif et lui, le Turc.

Dans l’ensemble ils ont tous été très aimables et serviables, ce qui ne ressemblait pas à ce qu’on nous avait dépeints de la population turque.

Les paysages étaient magnifiques, sauvages, parfois enneigés, parfois désertiques avec des sommets à plus de trois mille mètres dans la région de Sivas.

Difficile de ne pas s’arrêter pour admirer, photographier ou filmer le panorama.

E80 centre Turquie
Route centre Turquie

Seulement nous ne devions pas perdre de vue qu’il nous fallait trouver une halte pour la nuit;

Nous estimions être capables d'atteindre Erzurum, à plus de huit cents kilomètres d’Ankara, ce qui est à peu près aux deux tiers du parcours jusqu’à la frontière iranienne.

Il faut bien admettre que malgré nos savants calculs et notre optimisme sur les performances de notre vaillant destrier, nos différents arrêts en route nous avaient considérablement retardés. La nuit arrivant, nous étions dans la région de Erzincan, soit à deux cents kilomètres de notre destination.

Prévoyant, nous avions fait le plein de carburant peu de temps avant, ce qu’il s’avéra être une très bonne décision. En effet, entre les deux villes, les quelques villages que nous avons traversés étaient avares de lumières et les phares jaunes d’une deudeuche la nuit n'était pas ce qu’il se faisait de mieux.

Quoi qu’il en soit nous n’avions guère le choix, il nous fallait absolument arriver à Erzurum, compte tenu des expériences vécus et de toutes les histoires d'horreur que l'on nous avait rapporté, nous n’étions pas très enclin à  dormir en pleine nature.

La route fut longue et tortueuse, la noirceur environnante et le faisceau discret de nos phares ne nous incitaient pas à faire le moindre arrêt, nous n’avions qu’une hâte, c’était de voir le prochain panneau de signalisation indiquant la distance restante.

Panneau qui se faisait rare en ce temps-là.

Je ne me souviens plus de l’heure mais je me souviens que nous étions seuls, dans la nuit noire, sur une route de montagne ou nous commencions à nous demander si nous n’aurions pas dû nous arrêter à Erzincan.

Seul le ronronnement du moteur deux cylindres meublait l’atmosphère, dans ces années-là, la radio était un luxe dans ce modèle ; Je n’irais pas jusqu’à dire que nous étions inquiets mais plutôt circonspects, une panne ou une simple crevaison dans ce coin de pays et de surcroît à cette heure de la nuit ne faisait pas partie des options envisageables.

Quand on attend, on trouve souvent le temps long, plus long qu’à l’accoutumée, les minutes n’en finissent pas, on mesure chaque seconde, on prend conscience du temps.

Quand on roule avec une pointe d’angoisse et la hâte d’arriver, on a le sentiment que la voiture se traîne, on se met a écouter attentivement les révolutions de la mécanique bien huilée, guettant le moindre soubresaut, le plus petit changement dans la mélodie que font les pistons qui vont et viennent dans leur cylindre.

C'est alors que la pensée vagabonde, s’accroche à la plus petite lumière comme le navigateur au phare ou à l’étoile, confirmant sa route autant de fois que son esprit le met en doute.

La nuit, au milieu des montagnes dans une contrée sauvage et inconnue, vous vous sentez petit, fragile, perdu et une lumière est un peu comme une bouée, chacune d’elles est une vie, une existence dans cette immensité rocheuse, sur cette planète morte, à mille lieues de toutes habitations.

Autant le désert durant le jour est un espace ouvert, apaisant, serein, autant la nuit le rend hostile, on imagine que le danger nous guette à tout instant, qu’il est là, tapi dans l’ombre, attendant son heure.

Aucun de nous deux ne parlait, la peur de l'inconnu nous forçait à l'introspection, perdus dans nos pensées, je me concentrais sur la conduite, chaque virage, chaque montée, chaque changement de vitesse étaient effectués avec application, le regard rivé sur la route, attentif au roulement du moteur ; M.A, la carte sur les genoux, la lampe électrique d’une main et de l’autre le doigt sur le dernier point de passage, guettait le prochain panneau, la prochaine indication lisible.

Essayez de déchiffrer une langue étrangère, la nuit avec une lampe dans une voiture qui bouge sans arrêt, sur une carte où chaque nom vous est totalement inconnu…

Kükürtlü, Askale, Cayköy, Bascakmak;

Enfin Erzurum! Nous cherchions le panneau indiquant « Jandarma » et nous le trouverons quelques kilomètres avant l’entrée de la ville, sans perdre une seconde, nous nous sommes présentés à l’entrée et avons demandé l’hospitalité pour la nuit.

Ce qui nous fut accordé sans hésitation et avec le sourire, cela semblait naturel. Le planton nous indiqua un emplacement et referma aussitôt la grille d’entrée.

Était-ce pour nous protéger ou se protéger eux aussi d'éventuels agresseurs?

J’avoue qu’à partir de cet instant, la tension, la pression et l’inquiétude disparurent assez rapidement, protégé par les murs et la présence des militaires, nous pûmes passer une nuit paisible dans notre voiture, sans craindre quoi que ce soit.

Nous avions atteint notre objectif, sans encombre, nous méritions une bonne nuit de repos. Le lendemain, nous avions 350 km à parcourir et surtout un col à plus de trois mille mètres avant de redescendre vers l’Iran...

 

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Nous voulions voir le toit du monde, Istanbul - Ankara

5 Mars 2018, 19:57pm

Publié par Cire Cassiar

Istanbul - Ankara

L’Empire Byzantin, Constantinople, la Mosquée bleue, la basilique Sainte Sophie, le Bosphore la frontière entre l’Europe et l’Asie, que de noms illustres.

On y retrouve des vestiges de toutes les époques, de toutes les civilisations, romaines, grecques, ottomanes.

Cette ville a marqué les esprits, par son faste d’antan et pour preuve ne dit-on pas, lorsqu’il y a opulence et un luxe débordant ?... « c’est Byzance » ;

Istanbul est une mégapole, grouillante de population multiethnique où se côtoient toutes les religions dans un dédale de rues et de ruelles.

Il y a du monde partout et tout le temps, principalement à cause des Bazars et marchés qui s’installent dans les rues un peu partout et tous les jours, ce qui rend la circulation difficile et étouffante.

On ne pouvait passer à côté de la visite de la Mosquée bleue, sans conteste une des plus belles que l’on peut encore visiter, que vous soyez croyant ou non.

Réputée pour ses vingt mille céramiques à dominante bleue, ce qui lui a donné son nom, elle fut la deuxième au monde à posséder six minarets et fut pour cela le point de départ pour les pèlerins à destination de La Mecque, dont la mosquée possède maintenant sept minarets.

Elle est dotée d’une immense coupole, de vingt-trois mètres de diamètre, supportait par d’immenses piliers, la cour extérieure est aussi grande avec sa fontaine centrale entourée d’une multitude d’arcades.

Il faut reconnaître que c’est une œuvre architecturale hors pair qui mérite de s’y attarder.

On nous avait aussi indiqué l’adresse d’une petite auberge, dans les environs de Sainte Sophie, ou l’on y servait du « pudding au haschisch ».

Je vois d’ici tous les lecteurs, le sourire aux lèvres, et bien détrompez-vous, ce n’était que pure curiosité de notre part.

Le local était, comme vous vous en doutez, très enfumé, musique planante avec toutes sortes de faunes venus de tous horizons et tous semblaient décontractés, malgré cela on pouvait y déguster un café turc ou un thé accompagné de pâtisserie et autres douceurs.

La foule et la sensation d’oppression nous incitèrent à poursuivre notre route.

Le matin du départ, quelle ne fut pas notre surprise de retrouver le stock, qui était resté attaché sur toit, pendre de chaque côté du véhicule, au bout de la chaîne. Fort heureusement ils n’avaient pas réussi à la couper ou peut-être avaient-ils été dérangés, nous n’avions, à déplorer, qu’une déchirure de la toile du toit. Ils avaient dû essayer de pénétrer mais la galerie solidement fixée les en avait empêchés. Merci à notre mécanicien bricoleur, sans son ingéniosité nous n’aurions peut-être plus rien trouvé à l’intérieur.

Direction Ankara, la capitale de la Turquie, 450 km à parcourir… de route pour le moment.

Les cent premiers nous avons longé la mer de Marmara jusqu’à Izmit.

Route Turquie centrale
Route E80 en Turquie

La Turquie est un pays très montagneux, la circulation sur la route principale y est assez dense, nous y croisions beaucoup de Land Rover, Combi Volkswagen, 2CV camionnette et autre véhicules touristiques mais aussi beaucoup de camions locaux et de semi-remorques internationaux.

La plupart du temps ces derniers circulaient en convois de deux minimums, si l’un d’eux tombait en panne et qu’il ne pouvait réparer, l’autre chargeait tout ce qu’il pouvait dans le camion valide et ils continuaient leur chemin en sachant très bien que ce n’était pas la peine de revenir le chercher. La cargaison serait vraisemblablement vandalisée et le camion désossé.

Il n’était pas rare de voir des carcasses de véhicules en tous genres sur les bas-côtés, tout ce qui avait pu être démonté l’était…

J’avoue que ce n’était guère rassurant pour notre fringante deudeuche, on nous avait même prévenus que si d’aventure il nous arrivait un accident, si le véhicule était encore apte à rouler, il valait mieux ne pas rester sur place et foncer directement vers une gendarmerie.

La rumeur voulait que dans certaines régions reculées, quelques étrangers aient été lynchés par les populations locales.

Donc vous pouvez vous imaginer que nous étions sur nos gardes et que dès qu’un camion turc un peu trop entreprenant s’approchait de trop près, nous n’hésitions pas à le laisser passer ou à bifurquer, quitte ensuite à faire demi-tour.

On nous avait mis en garde sur le comportement de certains routiers turc qui pourraient ne pas hésiter à vous pousser hors du chemin, histoire de vous détrousser par la suite.

Bref on nous avait présenté les Turcs un peu comme des sauvages sans scrupule.

Même après toutes ces années, je me demande encore si ce n’était pas une légende routière…

Quoi que… je me souviens, dans les routes de montagne entre Istanbul et Ankara, une journée grise, la circulation était devenu plus éparse, deux camions nous suivaient depuis un bon moment, l’un d’eux profita d’une légère pente pour accélérer et nous doubler.

Jusque-là, rien d’anormal, notre 2CV en avait plein les pattes et avait peine à aller plus vite que lui.

Ainsi nous nous sommes retrouvés entre les deux, au début nous ne pensions pas à mal mais force était de constater que celui qui était devant, au lieu de nous distancer, semblait ralentir à une allure qui permettait au suivant de nous rattraper.

Le doute, les soupçons, les histoires que nous avions entendus refirent surface, un œil dans le rétroviseur, un œil sur la route et sur le camion de devant.

Pendant un certain temps, je me poser de sérieuses questions, seuls quelques rares véhicules nous croisaient et de surcroît il n’y avait pas de carrefour, ni de village dans les environs immédiats.

Nous étions en fâcheuse posture, sans porte de sortie.

Les minutes passaient et je voyais bien que nous étions pris au piège entre les deux, je m’attendais à tout moment voir ralentir le premier tout en restant au milieu de la route, je ne sais pas s’il jouait pour vrai au chat et à la souris ou s’il voulait nous effrayait, histoire de renforcer les rumeurs qui circulaient à leur sujet.

Fort heureusement une Land Rover nous rattrapa et vint se coller derrière le deuxième qui se décida à nous doubler, j’en profitais pour ralentir et me laisser doubler par la Land Rover qui nous fit, tout sourire, de grands signes en passant puis j’ai ccélèré au maximum pour leur coller au train le plus longtemps possible, la deudeuche donnant tout ce qu'elle avait dans le ventre.

De cette façon, je pensais qu’ils n’oseraient pas s’en prendre à deux véhicules en même temps.

Je dois avouer que pendant toute la traversée du pays, nous guettions chaque camion, ils devenaient tous douteux à nos yeux, je ne saurais dire si c’était mon imagination qui m’avait joué un tour ou si nous étions réellement passés à côté de bien mauvaises surprises.

Quoi qu'il en soit nous foncions vers Ankara, la capitale, située dans l’Anatolie, moins grande qu’Istanbul mais tout aussi impressionnante.

Ataturk la choisit pour capitale à la place d’Istanbul, histoire de rompre radicalement avec l’ancien régime.

C’est une ville où se côtoie, tout comme à Istanbul, le moderne et l’ancien, à cette époque l’urbanisation avait été mis de côté et des bidonvilles poussaient de tous bords, tous côtés..

Mosquée Ankara
vue de l'hotel à Ankara

Il restait néanmoins quelques monuments de valeur, dont la citadelle ottomane, Anitkabir, le mausolée d’Ataturk ou la mosquée de Kocatepe.

Comme pour Istanbul, nous avons dormi dans un hôtel du centre-ville, pendant que je terminais l’inscription à la réception, M.A (ma compagne) décida d’aller faire un petit tour à l’extérieur, elle voulait s’imprégner de l’ambiance locale.

Une fois terminé, je pris le chemin de la sortie et à peine arrivé sur le trottoir, je la vis revenir précipitamment, l’air effrayé, derrière elle, deux gars du cru lui couraient après, accompagnés d’une voiture qui longeait le trottoir, nous nous sommes jetés à l’intérieur de l’hôtel et je revois encore les deux gars faire demi-tour et monter dans la voiture puis disparaître dans le flot de circulation. Pour ce qui est de l’ambiance locale, elle avait été servie.

Il faut admettre qu’à cette époque, la traite de blanches était déjà monnaie courante et que M.A, jeune et jolie blonde, se remarquait très bien dans le décor local.

De plus, avec le flot continue d’Européens et Européennes en quête d’aventure, ils n’avaient pas besoin d’aller les chercher loin, elles venaient chez eux…

Les drogues de toutes sortes faisaient certainement des ravages dans les rangs des routards, les disparitions étaient fréquentes.

À partir de ce jour, elle ne chercha plus à se promener seule.

Ce soir-là, nous sommes restés dans les grands boulevards fortement éclairés et, à regrets, nous n’avons que très peu visité la ville.

Il faut reconnaître qu’à cette époque la Turquie avait une bien mauvaise réputation à l’égard des étrangers et plus particulièrement les touristes comme nous.

Rappelez-vous le film « Midnight Express » qui présentait la Turquie comme un pays violent, j’imagine qu’il était à l’origine de nombreux préjugés racistes injustifiés à leur égard et que nous sommes tombés ingénument dans le panneau.

Préjugés que nous aurons l’occasion de faire tomber lors du voyage retour.

Malgré cela, Ankara, nous laissera un souvenir amer et nous n’y resterons qu’une seule nuit.

Dans tous les cas nous devions bouger, si nous voulions traverser les hautes montagnes avant les grands froids.

Il y avait eu, quelques jours avant, des chutes de neige et nous ne voulions pas rester bloquer durant l’hiver dans un pays où nous doutions de l’hospitalité de ses hôtes.

 

à suivre…

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