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Publié par Cire Cassiar

Les préparatifs
 
Rouen - Paris, tout un voyage en 4L Renault pour des provinciaux, la circulation, les bouchons, les difficultés de stationnement, les taxis, les piétons et la faune locale furent pour nous une première petite épreuve mais notre motivation était telle que rien n’aurait pu nous arrêter.
L’Astrolabe, était situé au 46, rue de Provence à Paris, elle ne pouvait pas être mieux placée pour un provincial originaire du sud de la France, il y avait là tout ce dont pouvait rêver un jeune en mal d’espace qui souhaitait parcourir le monde, ce fut pour nous la caverne d’Ali baba.
Je n’ai qu’un vague souvenir des lieux, je me rappelle qu’il y avait du monde et que l’espace était assez restreint, tant il y avait de stock et c’est là que j’ai découvert pour la première fois le fameux « Guide du routard ».
 
Cet ouvrage est, sans conteste, une mine d’information inestimable pour voyageurs de tous âges.
 
Mais on y trouvait aussi des cartes au kilomètre, des manuels de voyage, de survie, de secours, des recueils d’informations, photos, boussoles et autres matériels utiles ou inutiles.
La journée fut bien remplie, à explorer les lieux pour y dénicher les cartes des pays orientaux, autant l’Europe était dotée de cartes très précises, colorées et de toutes formes, autant des pays comme l’Iran, l’Afghanistan, le Pakistan, l’Inde et le Népal n’avaient que des cartes rudimentaires, mais malgré tout suffisante pour le voyage.
 
De retour à Rouen, nous passions toutes nos soirées et fin de semaine à analyser le trajet, à collecter toutes les informations, à évaluer les distances, à imaginer les difficultés, à prévoir les points de chutes possibles et à estimer le temps entre chaque escale qui bout à bout devait durer cinq mois et…
 
Vingt-cinq mille kilomètres !
 
Ce fut un projet sans commune mesure avec ce que j’avais vécu auparavant. Il demandait toute notre attention durant nos jours de repos ; En effet pour être capable de mener à bien un tel voyage, il fallait non seulement des moyens financiers, mais aussi des moyens matériels et comme point de départ nous n’avions qu’une Deudeuche (2CV).
 
Pour les non connaisseurs ou les jeunes générations, avec ses deux cylindres à plat de 435 cm3 de cylindrée totale, elle ne consommait que 6 litres aux cent kilomètres et pouvait atteindre les cent (105) kilomètres à l’heure, avec un léger vent arrière, ce n’était pas un bolide mais quel véhicule !
Grâce à sa suspension originale, elle avait une tenue de route exceptionnelle, il était quasi impossible de la renverser sur le côté, à moins d’y mettre de la bonne volonté, une facilité d’entretien ou toutes les composantes étaient accessibles avec un petit outillage de base.
Capable de consommer, avec son carburateur Solex, n’importe quelle essence (avec plomb) de n’importe quel grade sans broncher et capable d’absorber n’importe quelle huile sans faillir.
D’ailleurs, il n’y avait pas de filtre à huile, donc pas de manomètre de pression ni de température, juste un indicateur de vitesse et une jauge à carburant, une dynamo pour recharger la batterie de 6 volts ou, lorsque les charbons étaient usés, on le savait en voyant l’intensité des phares la nuit.
Difficile à refaire de nos jours, avec nos véhicules si pointus ou, dès que vous ne mettez pas le bon carburant ou la bonne huile, le moteur chauffe, cliquette ou s’encrasse et affecte les performances.
 
Si je me laissais aller, je ne tarirais pas d’éloge pour ce véhicule qui m’a permis non seulement de traverser la France en long, en large et en travers, mais aussi de faire ce voyage unique et de repartir l’année suivante pour la Grèce, sans faire d’entretien particulier.
Je l’ai revendu et remplacé par une Estafette Renault, plus spacieuse, mais souvent regretté sa conduite et sa facilité d’entretien.
 
Mais revenons à nos moutons…
 
Pour cela nous dûmes travailler tous les deux et utiliser toutes nos ressources, nos contacts, nos énergies… Il nous fallait être prêt à l’automne.
Nous n’avions que quatre mois devant nous et nous ne voulions pas rater le départ. C’était un peu comme pour les fusées, nous avions une fenêtre de tir et il ne fallait pas la rater.
En effet, vingt-cinq mille kilomètres de routes et de pistes, une dizaine de pays, parfois hostiles, et nous n’avions que cinq mois pour faire le voyage.
Certaines contrées devaient être traversées avant l’hiver, tel que les montagnes du centre de la Turquie et pour cela nous ne devions pas traîner, tout devait être calculé pour que nous ayons le temps de faire l’aller avant la neige et le retour après la neige.
De plus, mon employeur, le club de vol à voile rouennais, comptait sur moi pour la prochaine saison, j’assumais à cette époque, les fonctions de chef instructeur et je leur avais promis d’être de retour à temps.
 
Beaucoup n’y croyaient pas, pensant que nous allions abandonner devant le manque de temps pour tout préparer, ils nous prenaient pour de jeunes écervelés, des « babas cool ».
Seuls quelques amis venaient rêver avec nous, soutenant ainsi notre démarche, même s’ils n’avaient pas le courage d’en faire autant ; Leurs présences, leurs arguments, leurs interrogations et aussi cette petite flamme dans leurs yeux quand nous parlions de désert, de montagne himalayenne, de Népal, furent pour nous d’un grand soutient.
 
Ce ne fut pas facile de concilier le travail et la préparation de la voiture, il fallait faire de cette 2CV Citroën standard un véhicule à la fois tout terrain, capable de transporter tout ce dont nous avions besoin, aménager pour y dormir à l’intérieur et la rendre difficilement accessible de l’extérieur pour qui aurait été animé de mauvaises intentions.
 
Pour ceux qui ne la connaissent pas, le volume habitable est assez intime, la distance entre la porte du coffre arrière et les pédales de conduite était assez juste pour s’y allonger, donc nous ne pouvions emporter que la banquette avant pour la conduite.
 
Une fois la banquette arrière retirée, il fallait trouver une façon de combler la marche haute de dix centimètres, entre le plancher avant et le plancher arrière pour rendre le matelas de mousse, épais de vingt centimètres, le plus confortable possible. La solution fut très simple, des vêtements de rechange roulés au pied de la marche.
 
Durant les déplacements, celui-ci était plié vers l’arrière afin de placer la banquette avant, juste comme il faut pour pouvoir conduire confortablement.
Lors des escales, nous devions retirer la banquette pour la nuit, la poser sur le capot moteur et la recouvrir d’une toile pour la protéger des intempéries.
Sur le toit, nous avions conçu une solide galerie, fixée de l’intérieur, sur laquelle nous avions disposé un coffre en bois de fabrication maison, un bidon de carburant, un bidon d’eau et la roue de secours, le tout attaché par des tendeurs et des chaînes avec cadenas. Un voleur aurait eu bien du mal à tenter de nous dérober quoi que ce soit sans tout arracher ou défoncer.
 
Nous connaissions un petit garagiste local, fort sympathique à la cause et super-bon bricoleur, qui souda une tôle de renfort sous le moteur, bricola des grilles démontables pour les phares et le pare-brise et bidouilla une solide fixation pour la galerie.
C’est lui qui m’aida à préparer une petite trousse de dépannage en tout genre et me fournit quelques pièces essentielles, tel que des bougies de rechange, chambres à air, filtre à air… etc.
L’espace de stockage étant très limité, il fallait réfléchir sur l’utilité de chaque objet.
Il restait les pneumatiques, pour cela nous avions contacté tous les fournisseurs et le seul qui proposait le pneu que nous cherchions fut Michelin, ils avaient conçu un pneu extraordinaire appelé « Grand raid ».
Quatre furent montés aussitôt sur la voiture et un cinquième en secours sur le toit.
Ces pneus furent une pure merveille car non seulement ils firent le voyage aller-retour sans encombre mais en plus ils restèrent sur la voiture pendant les deux années qui suivirent, c’est dire la qualité incomparable, surtout actuellement.
Ensuite, il fallait penser au reste du petit équipement pour tenir cinq mois sur la route, au financement et comment stocker tout cela sans risquer de se le faire voler, puis finalement les passeports et les visas des différents pays à traverser.
 
À l’époque, la Yougoslavie était en un seul morceau sous la férule de Tito, l’Albanie était inaccessible, la situation politique en Turquie était assez chaotique, le Shah était au pouvoir en Iran, soutenu par la Savak, cette police sans pitié pour qui que ce soit, l’Afghanistan était en paix, les frères ennemis, l’Inde et le Pakistan, étaient considérés comme des pays en voie de développement et le Népal était réputé comme un havre de paix, une destination pour les routards.
 
Quatre mois de préparatifs, c’est très court pour ne rien oublier, tout envisager, avec le recul je ne suis pas certain que nous avions vraiment tout prévu, mais quand nous sommes partis, nous n’avions aucun doute, c’était vraisemblablement l’insouciance de la jeunesse…
 
à suivre...
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