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Epistolier - Résumés de livres - Nouvelles - Reflexions

textes originaux, essais

Nous voulions voir le toit du monde de Sabzevar à Hérat

16 Avril 2018, 17:17pm

Publié par Cire Cassiar

Sabzevar (Iran) – Herat (Afghanistan)

désert iran
désert iranien

Si la traversée de l’Iran nous a paru désertique ce n’était rien à comparer avec ce que nous allions traverser en Afghanistan, mais pour le moment nous profitions d’une de ces dernières petites oasis de verdure qu’est Sabzevar, au milieu de ce paysage martien ;

On pourrait aisément tourner des scènes de films sur Mars dans ce type de paysage sans que cela ne paraisse à l’écran, tout en ayant à proximité tout le confort terrien.

Sabzevar est situé dans la province de Khorasan-e-razavi au nord-est du pays, c’est une très vieille ville agricole, ou l’on y produit des fruits séchés et notamment des raisins secs, on y voit aussi les vestiges de l’ancienne ville sous la forme d’une tour de brique « Mil-e Khosrow Gerd » qui veut dire « La tour de briques du roi Khosrau ».

Comme c’est la plus haute tour de briques de la ville, elle servait de repère aux caravanes voyageant de Nishapur à Rey.

On dit que les nuits sont fraîches dans le désert, je confirme, surtout quand on est à près de mille mètres d’altitude.

Nous avions quatre cents cinquante kilomètres à parcourir avant la frontière Irano-Afghane et un passage douanier dont je me souviendrais longtemps.

Notre trajet nous amenait à passer, mais sans la voir, près de Mechhed (Mashhad), la plus grande ville de la région pour ensuite aller vers Torbat-e-jam puis Taybad, dernière cité avant ladite frontière dont le paysage environnant est de plus en plus sec avec une végétation quasi inexistante.

L’approche de la frontière se fait par une grande ligne droite, ou les camions sont sur une ligne séparée des voitures, nous nous sommes retrouvés arrêtés à une bonne centaine de mètres avec à notre droite une file de camions et devant nous une file de voitures.

camions afghans
Camions Afghans

Comme plus rien ne bougeait, nous avons arrêté le moteur de la voiture mais à quelques mètres de nous se trouvait un camion Afghan dont le chauffeur, qui était descendu bavarder avec ses collègues, avait mis la musique à fond avant de quitter sa cabine.

Si vous n’avez jamais entendu de musique traditionnelle afghane en boucle pendant une heure, je peux vous dire que pour des Occidentaux plutôt habitués à écouter de la musique rock, même si au début cela à un petit côté exotique, au bout de trente minutes vous trouverez cela un peu lourd. Nous avons eu beau fermer portes et fenêtres de la 2 CV, la bâche du toit ne filtrait pas grand-chose et nous avons dû l’endurer jusqu’à ce que la file de voitures qui, fort heureusement pour nos tympans, avançait plus vite, nous éloigne suffisamment pour échapper aux rythmes lancinants de cette musique dont les sonorités et les mélodies qui nous étaient totalement étrangères.

Mais nous n’étions au bout de nos peines, sortir d’un pays est toujours plus facile que d’y rentrer.

Quitter l’Iran fut relativement facile, par contre l’arrivée en Afghanistan en fut tout autre.

Entre le poste frontière de l’Iran et celui de l’Afghanistan il y avait un couloir, d’une cinquantaine de mètres, entre deux clôtures métalliques.

Côté Afghan on nous dirigea vers une sorte de grand terrain vague entouré de clôture avec plusieurs tables en bois, recouvertes de feuilles de métal, de quatre ou cinq mètres de long.

À chaque table, il y avait une voiture et deux douaniers, l’un d’eux demandait aux occupants de la voiture d’étaler tout sur la table afin de procéder à une fouille en règle.

Pendant que l’autre proposait discrètement, à ma compagne, du Hasch sous forme de tablette, l’autre fouillait et répétait régulièrement « Bakchich ? » en montrant un jean, une paire de chaussures ou une chemise, comme je disais « non » à chaque fois, il continuait en prenant son temps.

Il s’absentait vers sa guérite pendant de longues minutes et revenait à la charge, le manège dura environ trois bonnes heures.

J’ai résisté à la tentation de lui en donner un pour qu’il nous laisse passer, mais ce ne fut pas chose facile, pris entre les scrupules, les doutes sur la fiabilité du personnage et l’envie de quitter au plus vite cet endroit, ce qui me rassurait, c’était de voir que nous n’étions pas les seuls et qu’à certaines tables cela parlait haut et fort.

visas, tampons, frontière irano-afghane customs
Visas a Islam-Kala

Nous finirons par avoir notre tampon d’entrée et le passage aura duré au total près de cinq heures, ce que nous ne savions pas, c’est que le retour serait pire.

Ce soir-là nous dormirons tranquille, à Hérat, dans un camping ou se regroupaient tous les voyageurs comme nous…

 

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Nous voulions voir le toit du Monde - de Téhéran à Sabvezar

9 Avril 2018, 19:23pm

Publié par Cire Cassiar

 Dans les années 70, Téhéran était en pleine expansion, le Shah Reza Pahlavi avait des projets grandioses pour sa ville, il voulait en faire un pôle d’attraction sur le modèle de Los Angeles, un plan d’urbanisme avait été élaboré dès 1969 pour réorganiser le centre et la banlieue.

Le boom pétrolier de 1974 attirait de plus en plus de monde vers la capitale, les populations s’entassaient en périphérie ou c’était l’urbanisme sauvage qui régnait en maître avec des constructions toutes aussi pauvres les unes que les autres.

C’était une ville très compacte, étouffante pour des Européens, nous n’y sommes restés qu’une seule journée, mais nous ne pouvions passer à côté du palais de Golestan, chef-d’œuvre d’architecture perse, c’est aussi un des plus anciens bâtiments de la ville qui est fort bien conservé.

Il est aussi connu sous le nom de « Palais des fleurs » c’est un plaisir pour les yeux, très colorés, chaque centimètre carré est décoré.

À l’intérieur on y trouve le Takht-e Marmar, un trône de marbre particulièrement spectaculaire. C’est le second empereur de la dynastie Qadjar « Chah Fath Ali », qui en fit la commande, il y a plus de deux cents ans. Les sculpteurs travaillèrent durant plus de quatre années sur ce monument, il est constitué de soixante-cinq blocs de marbre. Le trône repose sur un socle soutenu par des silhouettes humaines et des piliers ornés de sculptures délicates qui n’ont rien perdu de leur magnificence.

Mais la densité de la population, la densité de la circulation et la densité des constructions urbaines nous faisaient oublier que nous étions au milieu d’un paysage montagneux et aux portes du désert de Kavir, lorsque nous avons repris la route le contraste nous a rapidement sauté au visage.

En moins de cent kilomètres nous étions en plein désert, la route longeait un pipeline qui partait de la région de Rasht, sur le bord de la mer Caspienne à plus de deux cents kilomètres au nord ouest de Téhéran et il allait jusqu’à Mashhad qui se trouve à cent kilomètres du Turkménistan.

Sur notre gauche, la haute chaîne de l’Elbourz et sur notre droite l’immense désert de Kavir.

désert de kavir - Iran
Région désertique de Kavir

Si faire le plein de carburant paraissait simple à Téhéran, il n’en était pas de même ailleurs.

Dans la région entre Sharud et Sabzevar, vers la mi parcours en direction de Mashhad nous trouvons enfin une petite station essence, le pompiste, souriant entrepris de faire le plein de notre 2 CV avec une pompe manuelle.

L'électricité n'était peut-être pas encore arrivée dans ce coin de pays.

Nous n’avions qu’un réservoir de trente-cinq litres, donc je me disais que ce ne serait pas long, il se mit donc à pomper calmement, chose curieuse il s’arrêtait souvent, comme pour reprendre son souffle.

Je présumais que la pompe devait être dure à manier et qu’il fallait faire beaucoup d’effort pour sortir quelques litres

Ce petit manège dura un bon moment à tel point que je commençais à me poser des questions sur son intégrité.

J'allais jeter un œil au compteur pour vérifier ou il en était rendu et quelle ne fut pas ma surprise en voyant le chiffre de « cinquante litres », c’est là que je compris pourquoi il s’arrêtait si souvent, il devait certainement attendre que la pompe se désamorce un peu et à chaque fois qu’il reprenait, cela n’empêchait pas le compteur de tourner, même si rien ne coulait dans le réservoir.

Je décidais de le laisser aller jusqu’au bout et en profitais pour consulter le manuel de la voiture, fouillant dans les pages à la recherche du paragraphe qui indiquait la contenance du réservoir.

Lorsque celui-ci me présenta le montant de cinquante-huit litres, je lui signifiais, avec beaucoup d'aplomb, qu'il était impossible d'en mettre autant en lui montrant le manuel comme preuve.

Cette fois il ne souriait plus, il devenait même un tantinet agressif, il réclamait son du... que faire au milieu de nulle part, quand vous vous retrouvez dans cette situation ? Difficile de savoir s'il va appeler des renforts ou s'il va en venir aux mains.

Ayant été confronté à la police de Téhéran quelques jours plus tôt, celle-ci n’étant pas plus tendre avec les gens du pays, j’eus l’idée de prononcer haut et fort le mot « Police », cela eut un effet immédiant sur mon adversaire, celui-ci devint plus calme voir même inquiet, il en vint à me demander gentiment le prix pour trente-cinq litres de carburant, tel qu’indiqué sur mon manuel.

Devant son changement d’attitude, je ne négociais même pas et payais les trente-cinq litres demandés, même si j’étais convaincu que nous n’avions pas vidé le réservoir.

Heureux et satisfait, malgré tout, d’avoir réglé ce petit incident en pensant qu’il devait être difficile pour lui de gagner sa vie dans cette région aussi isolée et que d’avoir payé pour quelques litres de plus n’était pas grand chose pour nous.

Ce soir nous dormirons à Sabzevar à quatre cents kilomètres de la frontière Afghane.

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Nous voulions voir le toit du monde - L'Iran, de Bazargan à Téhéran

1 Avril 2018, 16:31pm

Publié par Cire Cassiar

Au programme de la journée, six cents kilomètres de paysages montagneux et semi-désertique, il faut reconnaître que l’Iran est un des pays les plus montagneux du globe, l’altitude moyenne est proche de mille mètres.

Montagne Tabriz
Region Tabriz - Iran

Plusieurs chaînes de montagnes le traversent du Nord-ouest au Sud-est entourant de grands déserts dont le Grand Kavir, un désert salé situé quasiment aux portes de Téhéran et occupe à lui seul un sixième du territoire.

L’Iran est à la fois un pays de nomades et d’agriculteur, tous les fonds de vallée sont cultivés ce qui en fait des oasis de verdures dans ce paysage généralement aride.

Au nord, les monts de l' Elbourz, une chaîne de plus de cinq cents kilomètres, barrière naturelle entre le centre et la mer Caspienne, dont le plus haut sommet, Demavend, un volcan qui culmine à cinq mille six cent soixante-dix mètres, de quoi décourager les envahisseurs.

Très peu de forêts, donc très peu de bois, les matières premières pour les habitations rurales sont la boue d’argile, la pierre, la paille et quelques chevrons de bois.

De forme rectangulaire avec généralement un toit plat, quelquefois en dôme, de hauts murs entourent les édifices avec quelques tours d’angle et très peu de fenêtres.

Les murs sont très épais pour résister a la chaleur torride du soleil mais celle-ci est restituée la nuit et de ce fait l’intérieur des maisons est relativement tempéré.

Première étape Tabriz, une des plus anciennes villes d’Iran, elle est située à mille trois cent quarante mètres d’altitude dans une vallée fertile entourée de montagne dont les sommets au sud culminent à plus de trois mille sept cents mètres.

Un climat très contrasté, chaud en été, froid en hiver. Un passé chargé d’histoire remontant a plus de quatre mille ans, beaucoup d’invasions russes et ottomanes, plusieurs séismes ont fait que beaucoup de vestiges du passé ont été fortement touchés.

Octobre n’étant pas la saison la plus chaude, nous ne nous attardons pas et filons en direction de Zanjan, trois cents kilomètres plus loin, ce sera notre étape pour la nuit avant Téhéran.

Même si le pays est plus calme que la Turquie, nous gardons la bonne habitude de camper sur les stationnements de routiers, toujours plus fréquentés qu’ailleurs.

Après une nuit fraîche nous descendons en direction de la capitale à quelque trois cents kilomètres.

L’arrivée a Téhéran s’est faite par un bout d’autoroute qui débutait à quarante kilomètres du centre-ville, c’était assez surprenant, surtout après tous ces kilomètres de route de montagnes désertiques.

Difficile de rater la tour Shahyād (mémoire des rois en perse), monument de quarante-cinq mètres de haut, recouvert de marbre blanc, érigé dans les années soixante-dix, pour célébrer les 2 500 ans de l’empire Perse.

Téhéran la tour Azadi
La tour Azadi - Téhéran

Une grande esplanade, très animée, bondée de jeunes iraniens qui vont et viennent, prémisse de ce qui allait être le renversement du pouvoir iranien, elle fut rebaptisée la tour Azadi (qui signifie Liberté) après les événements de 1979.

La circulation était très dense dans le centre-ville, étant à la recherche d’une auberge pour la nuit, nous tentions de déchiffrer les panneaux de rue et de direction lorsque, par inadvertance, j’ai accroché légèrement le pare-chocs de la voiture de devant.

Celle-ci ayant freiné brusquement au carrefour alors que les feux de circulation passaient au rouge.

Immédiatement le conducteur est sorti avec de grands gestes, hurlant à qui voulait l’entendre, que j’avais quasiment détruit sa belle voiture, alors qu’elle n’avait qu’une petite éraflure.

Inévitablement cela provoqua un attroupement et attira un policier, je voyais bien que le conducteur lui expliquait la situation en sa faveur, mais que faire quand on ne comprend un traître mot de ce qu’il se dit, mis à part quelques gestes évocateurs, en effet, je vis le policier sortir son carnet, prendre des notes, faire le tour de notre véhicule et de celui de l’autre conducteur, puis après un long conciliabule et dispersion des badauds, voilà que le policier tenta de me faire comprendre que je devais payer en me montrant son carnet.

Voyant que le chiffre me paraissait trop élevé pour si peu, je tentais à mon tour de lui expliquer par geste que c’était injustifié et que je n’avais pas l’intention de payer autant, lorsque celui-ci leva le ton et je crus comprendre que si je ne voulais pas payer, je devrais m’expliquer au poste ;

Croyait moi le mot « police » quel que soit le pays, on le comprend très bien.

D’un seul coup, d’un seul, les images du poste frontière sont revenues me rafraîchir la mémoire et me rappeler que ce n’était peut-être pas une bonne idée de contester quand on n’est pas chez soi et qu’en plus on ne comprend pas le dixième de ce qui se dit.

Comme je n’avais pas l’intention de moisir dans les geôles iraniennes pour quelques Rials, je payais sans broncher devant les sourires complices du conducteur et du policier.

 

 

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Nous voulions voir le toit du monde - Erzurum (Turquie) - Bazargan (Iran)

19 Mars 2018, 18:24pm

Publié par Cire Cassiar

Dormir, l’esprit tranquille, en sachant que les forces de sécurité veillent sur vous, c’est bougrement rassurant.

Tout le monde ne peut pas en dire autant, ceux dont le pays est en guerre, sous la férule d’un dictateur ou dans des contrées sauvages où la loi du plus fort qui règne a coup de kalachnikov ou de machette.

Dans nos démocraties, nous ne connaissons pas notre bonheur, nous dormons sur nos deux oreilles et ne craignons pas de sortir le matin de notre maison, nous ne craignons pas de voir notre famille harcelée, notre habitat vandalisé ou saccagé.

On n’imagine même pas que cela pourrait arriver chez nous, on a oublié… pour nous c’est de l’histoire ancienne, ce sont des histoires de grands-pères… et pourtant…

Alors, lorsqu’on voyage dans des pays où la loi et l’ordre ne sont pas appliqués de façon uniforme, il peut arriver que l’on se retrouve en présence de situations inconfortables.

On devient impuissant, parce qu’on n’est pas préparé, néanmoins, malgré tout ce qu’on a pu nous dire, cela reste du domaine de l’abstrait tant qu’on ne l’a pas vécu.

Je dois dire que la Turquie des années soixante-dix/quatre-vingt était un pays où nous devions rester sur ses gardes avec des secteurs ou il fallait faire attention où nous mettions les pieds.

On devait rouler de jour, camper dans des lieux fréquentés par les routards et les routiers internationaux et rester sur les routes empruntées par ces mêmes routiers.

Au matin, après avoir chaudement remercié nos hôtes, nous avons repris la route E80 en direction du poste frontière de Gürbulak.

Lors de notre passage à Istanbul nous avions eu l’occasion d’échanger avec un couple qui revenait de Kathmandu, fort gentiment, devant un café, ils nous ont expliqué, avec notre carte, le meilleur trajet en rapport aux conditions de route et fréquentation.

Contrairement à ce nous pensions, la E80 n’était pas la meilleure, il semblait que de prendre la E691 puis de bifurquer en direction de Igdir était bien mieux, en effet c’était celle que tout un chacun empruntait pour rejoindre l’Iran.

La route étant en meilleur état elle était par le fait même plus fréquentée par les routiers internationaux, donc plus sûre.

Ce qui entraînait un détour de plusieurs dizaines de kilomètres, la route longe la rivière Araxe, frontière naturelle entre l’Arménie et la Turquie, puis à Igdir on prend la direction de Dogubayazit ou l’on passe un col à a plus ou moins mille sept cents mètres d’altitude.

Nous avions la conviction que s’il arrivait quoi que ce soit, il y aurait suffisamment de voyageurs pour nous venir en aide.

Mont Ararat, Noé, arche
Mont Ararat

Par contre nous sommes passés, sans le savoir, juste à côté d’un lieu mythique qu’est le mont Ararat.

Un ancien volcan qui culmine a plus de cinq mille mètres, recouvert de neiges éternelles.

Il faut dire que le paysage autour de nous était recouvert de neige, il est donc passé inaperçu à nos yeux.

De plus nous ne connaissions pas la légende qui veut que Noé ait échoué son arche au pied de cette montagne, avec le recul, je regrette de ne pas m’y être attardé.

C’était une piste carrossable ou, les camions, lourdement chargés et bien moins puissant que ceux de maintenant, roulaient à petite vitesse en file indienne sur des kilomètres.

La montée fut longue et tortueuse, il n’était pas facile de doubler les camions en montée à cause du manque de visibilité, il nous fallait slalomer entre ceux qui montaient péniblement et ceux qui descendaient.

Nous avons dû nous arrêter plusieurs fois, certains avaient dû stopper capot ouvert, les moteurs étaient mis à rude épreuve et devaient certainement surchauffer.

C’était un paysage de montagne, herbe rase et sèche avec quelques rares arbres, nous avons certainement vu le mont Ararat, pour nous c’était une montagne comme les autres et nous n’avions qu’un but, traverser le col le plus vite possible et passer la frontière avant la nuit.

Si en montée, il fait chaud dans une 2 CV, en descente il en est autrement, fin octobre à plus de mille mètres d’altitude l’air y est plutôt frais durant une longue descente avec un chauffage quasi inexistant.

Dogubayazit, virage à gauche, direction l’Iran, 35 km.

visa turquie iran
visa de sortie turc a Gurbulak

Sortir de la Turquie à Gurbulak était une affaire de rien, entrer en Iran à Bazargan était une autre paire de manches.

Arrivé côté Iranien, nous devions stationner la voiture à un endroit précis sous la supervision directe d’un douanier peu souriant, comme la plupart des douaniers des pays du monde entier.

Comment se fait-il que, quel que soit le pays, le douanier ou la douanière ne sourient jamais, il fait partie des premières personnes que l’on voit en arrivant, il ou elle représente l’accueil du pays et ils ou elles ont toujours le regard soupçonneux, comme si tous les touristes étaient des trafiquants, des voleurs ou des malfrats.

Il faut admettre que passer la frontière d’un pays est souvent une épreuve, c’est un peu comme quand on passe un contrôle routier, au moment où arrive le ou la policier (e) on a l’impression que l’on a quelque chose à se reprocher, même si tout est en ordre et que vous avez tous vos papiers, vous vous demandez « est-ce qu’il va trouver de quoi ? »

C’est curieux ce sentiment de culpabilité que provoque l’uniforme lors d’un contrôle de routine.

Quoi qu’il en soit, après avoir stationné la voiture, nous devions suivre un tracé qui nous amenait à traverser un hall avec des vitrines bien éclairées de chaque côté.

Et qu’est-ce qu’il y avait dans ces vitrines ? et bien des photos, des objets, des illustrations nous démontrant que si nous avions caché de la drogue, ils la trouveront.

Rappelez-vous « Midnight express »

On y voyez un pneu découpé avec des sacs de haschisch à l’intérieur, un réservoir de carburant ouvert avec des sachets de cocaïne, un matelas éventré, un thermos ou un bidon d’essence coupé en deux, des photos de dessous de voiture avec toutes les caches possibles, bref autant vous dire que si vous aviez de la drogue, vous deviez commencer à trembler avant même de parler à un douanier.

À cette époque, la police Iranienne n’était pas tendre avec les ressortissants étrangers pris en flagrant délit de transport de drogue.

Nous savions que pendant que nous étions à l’intérieur, plusieurs inspecteurs fouillaient consciencieusement notre véhicule de fond en comble.

Cette mise en scène était assez impressionnante et prenez plusieurs heures, car nous devions attendre notre tour dans le hall, avant d’être confronté à un douanier tout aussi souriant que le précédant.

Petits conciliabules avec les inspecteurs, tous les documents personnels étant passés en revue systématiquement, enfin le douanier compare la photo avec notre portrait, et là, on se sent tout petit, nous n’avions qu’une hâte, c’était qu’il prenne ce maudit tampon et qu’il le colle sur le visa.

Combien de fois on le voit hésiter au-dessus du passeport, comme s’il avait un doute, comme s’il n’était pas sûr de lui, il tournait les pages, revenait en arrière, en fait ce que l’on ne soupçonnait pas, c’est qu’il cherchait tout simplement une place pour le mettre et « clac » fit le tampon sur notre visa.

Soulagement, il nous rendit tous nos papiers, puis nous oublia et passa à une autre personne.

C’était fini, on n’existait plus pour lui, on pouvait partir et comme nous faisions mine d’hésiter, il nous fit signe avec la main de dégager le passage.

Ce soir-là, nous avons dormi sur un stationnement avec d’autres routards comme nous, nous étions tous épuisés, par la route, l’attente et le passage à la frontière.

Cinq heures pour faire trois kilomètres, c’est long… Mais ce ne sera pas le plus long passage…

 

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Nous voulions voir le toit du monde - Ankara - Erzurum

11 Mars 2018, 15:41pm

Publié par Cire Cassiar

Plus de mille deux cents kilomètres avant la frontière Iranienne, c’est beaucoup pour une 2CV en un seul jour.

Décidément les grandes villes sont toutes les mêmes, quelle que soit la région ou le pays.

Deuxième visite nocturne sur notre voiture, mais cette fois, seule la bâche protectrice avait été déplacée ; Quelqu’un avait visiblement été intrigué par ce qu’il y avait dessous et déçu par la difficulté à pouvoir subtiliser le stock facilement, il avait, par chance, abandonné l’idée.

Malgré tout, une vérification de l’attelage s’imposait, au cas où il manquerait une roue puis ce fut la mise en route.

route E80 centre Turquie
Route E80 en 1976 - centre Turquie

Cette fois nous partions pour un long périple, montagneux et sinueux ou la E80 actuelle n’a plus rien à voir avec la route d’antan, en 1976 ce n’était qu’une simple deux voies, elle suivait toutes les vallées et passait quelques petits cols, malgré cela, mis à part les descentes, il n’y avait pas moyen de faire de la vitesse.

Quoique faire de la vitesse avec une deudeuche soit un bien grand mot, toutefois nous ne pouvions dépasser les 70 km/h de moyenne, donc il devenait important de rouler aussi longtemps que possible.

Restait à savoir où nous allions atterrir et à quelle heure…

Fort heureusement pour nous, les conditions météorologiques étaient excellentes et l’état des routes acceptable. Aujourd'hui, il semble anodin de trouver une station d’essence par chez nous et bien dites-vous que dans certaines régions du monde, vous êtes mieux d’avoir un réservoir de secours et de sauter sur l’occasion de refaire le plein lorsqu’elle se présente.

Je n’ai pas grand-chose à dire sur les pompistes, si ce n’est qu’il n’était pas facile de communiquer lorsque vous parlez un anglais approximatif et lui, le Turc.

Dans l’ensemble ils ont tous été très aimables et serviables, ce qui ne ressemblait pas à ce qu’on nous avait dépeints de la population turque.

Les paysages étaient magnifiques, sauvages, parfois enneigés, parfois désertiques avec des sommets à plus de trois mille mètres dans la région de Sivas.

Difficile de ne pas s’arrêter pour admirer, photographier ou filmer le panorama.

E80 centre Turquie
Route centre Turquie

Seulement nous ne devions pas perdre de vue qu’il nous fallait trouver une halte pour la nuit;

Nous estimions être capables d'atteindre Erzurum, à plus de huit cents kilomètres d’Ankara, ce qui est à peu près aux deux tiers du parcours jusqu’à la frontière iranienne.

Il faut bien admettre que malgré nos savants calculs et notre optimisme sur les performances de notre vaillant destrier, nos différents arrêts en route nous avaient considérablement retardés. La nuit arrivant, nous étions dans la région de Erzincan, soit à deux cents kilomètres de notre destination.

Prévoyant, nous avions fait le plein de carburant peu de temps avant, ce qu’il s’avéra être une très bonne décision. En effet, entre les deux villes, les quelques villages que nous avons traversés étaient avares de lumières et les phares jaunes d’une deudeuche la nuit n'était pas ce qu’il se faisait de mieux.

Quoi qu’il en soit nous n’avions guère le choix, il nous fallait absolument arriver à Erzurum, compte tenu des expériences vécus et de toutes les histoires d'horreur que l'on nous avait rapporté, nous n’étions pas très enclin à  dormir en pleine nature.

La route fut longue et tortueuse, la noirceur environnante et le faisceau discret de nos phares ne nous incitaient pas à faire le moindre arrêt, nous n’avions qu’une hâte, c’était de voir le prochain panneau de signalisation indiquant la distance restante.

Panneau qui se faisait rare en ce temps-là.

Je ne me souviens plus de l’heure mais je me souviens que nous étions seuls, dans la nuit noire, sur une route de montagne ou nous commencions à nous demander si nous n’aurions pas dû nous arrêter à Erzincan.

Seul le ronronnement du moteur deux cylindres meublait l’atmosphère, dans ces années-là, la radio était un luxe dans ce modèle ; Je n’irais pas jusqu’à dire que nous étions inquiets mais plutôt circonspects, une panne ou une simple crevaison dans ce coin de pays et de surcroît à cette heure de la nuit ne faisait pas partie des options envisageables.

Quand on attend, on trouve souvent le temps long, plus long qu’à l’accoutumée, les minutes n’en finissent pas, on mesure chaque seconde, on prend conscience du temps.

Quand on roule avec une pointe d’angoisse et la hâte d’arriver, on a le sentiment que la voiture se traîne, on se met a écouter attentivement les révolutions de la mécanique bien huilée, guettant le moindre soubresaut, le plus petit changement dans la mélodie que font les pistons qui vont et viennent dans leur cylindre.

C'est alors que la pensée vagabonde, s’accroche à la plus petite lumière comme le navigateur au phare ou à l’étoile, confirmant sa route autant de fois que son esprit le met en doute.

La nuit, au milieu des montagnes dans une contrée sauvage et inconnue, vous vous sentez petit, fragile, perdu et une lumière est un peu comme une bouée, chacune d’elles est une vie, une existence dans cette immensité rocheuse, sur cette planète morte, à mille lieues de toutes habitations.

Autant le désert durant le jour est un espace ouvert, apaisant, serein, autant la nuit le rend hostile, on imagine que le danger nous guette à tout instant, qu’il est là, tapi dans l’ombre, attendant son heure.

Aucun de nous deux ne parlait, la peur de l'inconnu nous forçait à l'introspection, perdus dans nos pensées, je me concentrais sur la conduite, chaque virage, chaque montée, chaque changement de vitesse étaient effectués avec application, le regard rivé sur la route, attentif au roulement du moteur ; M.A, la carte sur les genoux, la lampe électrique d’une main et de l’autre le doigt sur le dernier point de passage, guettait le prochain panneau, la prochaine indication lisible.

Essayez de déchiffrer une langue étrangère, la nuit avec une lampe dans une voiture qui bouge sans arrêt, sur une carte où chaque nom vous est totalement inconnu…

Kükürtlü, Askale, Cayköy, Bascakmak;

Enfin Erzurum! Nous cherchions le panneau indiquant « Jandarma » et nous le trouverons quelques kilomètres avant l’entrée de la ville, sans perdre une seconde, nous nous sommes présentés à l’entrée et avons demandé l’hospitalité pour la nuit.

Ce qui nous fut accordé sans hésitation et avec le sourire, cela semblait naturel. Le planton nous indiqua un emplacement et referma aussitôt la grille d’entrée.

Était-ce pour nous protéger ou se protéger eux aussi d'éventuels agresseurs?

J’avoue qu’à partir de cet instant, la tension, la pression et l’inquiétude disparurent assez rapidement, protégé par les murs et la présence des militaires, nous pûmes passer une nuit paisible dans notre voiture, sans craindre quoi que ce soit.

Nous avions atteint notre objectif, sans encombre, nous méritions une bonne nuit de repos. Le lendemain, nous avions 350 km à parcourir et surtout un col à plus de trois mille mètres avant de redescendre vers l’Iran...

 

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Nous voulions voir le toit du monde, Istanbul - Ankara

5 Mars 2018, 19:57pm

Publié par Cire Cassiar

Istanbul - Ankara

L’Empire Byzantin, Constantinople, la Mosquée bleue, la basilique Sainte Sophie, le Bosphore la frontière entre l’Europe et l’Asie, que de noms illustres.

On y retrouve des vestiges de toutes les époques, de toutes les civilisations, romaines, grecques, ottomanes.

Cette ville a marqué les esprits, par son faste d’antan et pour preuve ne dit-on pas, lorsqu’il y a opulence et un luxe débordant ?... « c’est Byzance » ;

Istanbul est une mégapole, grouillante de population multiethnique où se côtoient toutes les religions dans un dédale de rues et de ruelles.

Il y a du monde partout et tout le temps, principalement à cause des Bazars et marchés qui s’installent dans les rues un peu partout et tous les jours, ce qui rend la circulation difficile et étouffante.

On ne pouvait passer à côté de la visite de la Mosquée bleue, sans conteste une des plus belles que l’on peut encore visiter, que vous soyez croyant ou non.

Réputée pour ses vingt mille céramiques à dominante bleue, ce qui lui a donné son nom, elle fut la deuxième au monde à posséder six minarets et fut pour cela le point de départ pour les pèlerins à destination de La Mecque, dont la mosquée possède maintenant sept minarets.

Elle est dotée d’une immense coupole, de vingt-trois mètres de diamètre, supportait par d’immenses piliers, la cour extérieure est aussi grande avec sa fontaine centrale entourée d’une multitude d’arcades.

Il faut reconnaître que c’est une œuvre architecturale hors pair qui mérite de s’y attarder.

On nous avait aussi indiqué l’adresse d’une petite auberge, dans les environs de Sainte Sophie, ou l’on y servait du « pudding au haschisch ».

Je vois d’ici tous les lecteurs, le sourire aux lèvres, et bien détrompez-vous, ce n’était que pure curiosité de notre part.

Le local était, comme vous vous en doutez, très enfumé, musique planante avec toutes sortes de faunes venus de tous horizons et tous semblaient décontractés, malgré cela on pouvait y déguster un café turc ou un thé accompagné de pâtisserie et autres douceurs.

La foule et la sensation d’oppression nous incitèrent à poursuivre notre route.

Le matin du départ, quelle ne fut pas notre surprise de retrouver le stock, qui était resté attaché sur toit, pendre de chaque côté du véhicule, au bout de la chaîne. Fort heureusement ils n’avaient pas réussi à la couper ou peut-être avaient-ils été dérangés, nous n’avions, à déplorer, qu’une déchirure de la toile du toit. Ils avaient dû essayer de pénétrer mais la galerie solidement fixée les en avait empêchés. Merci à notre mécanicien bricoleur, sans son ingéniosité nous n’aurions peut-être plus rien trouvé à l’intérieur.

Direction Ankara, la capitale de la Turquie, 450 km à parcourir… de route pour le moment.

Les cent premiers nous avons longé la mer de Marmara jusqu’à Izmit.

Route Turquie centrale
Route E80 en Turquie

La Turquie est un pays très montagneux, la circulation sur la route principale y est assez dense, nous y croisions beaucoup de Land Rover, Combi Volkswagen, 2CV camionnette et autre véhicules touristiques mais aussi beaucoup de camions locaux et de semi-remorques internationaux.

La plupart du temps ces derniers circulaient en convois de deux minimums, si l’un d’eux tombait en panne et qu’il ne pouvait réparer, l’autre chargeait tout ce qu’il pouvait dans le camion valide et ils continuaient leur chemin en sachant très bien que ce n’était pas la peine de revenir le chercher. La cargaison serait vraisemblablement vandalisée et le camion désossé.

Il n’était pas rare de voir des carcasses de véhicules en tous genres sur les bas-côtés, tout ce qui avait pu être démonté l’était…

J’avoue que ce n’était guère rassurant pour notre fringante deudeuche, on nous avait même prévenus que si d’aventure il nous arrivait un accident, si le véhicule était encore apte à rouler, il valait mieux ne pas rester sur place et foncer directement vers une gendarmerie.

La rumeur voulait que dans certaines régions reculées, quelques étrangers aient été lynchés par les populations locales.

Donc vous pouvez vous imaginer que nous étions sur nos gardes et que dès qu’un camion turc un peu trop entreprenant s’approchait de trop près, nous n’hésitions pas à le laisser passer ou à bifurquer, quitte ensuite à faire demi-tour.

On nous avait mis en garde sur le comportement de certains routiers turc qui pourraient ne pas hésiter à vous pousser hors du chemin, histoire de vous détrousser par la suite.

Bref on nous avait présenté les Turcs un peu comme des sauvages sans scrupule.

Même après toutes ces années, je me demande encore si ce n’était pas une légende routière…

Quoi que… je me souviens, dans les routes de montagne entre Istanbul et Ankara, une journée grise, la circulation était devenu plus éparse, deux camions nous suivaient depuis un bon moment, l’un d’eux profita d’une légère pente pour accélérer et nous doubler.

Jusque-là, rien d’anormal, notre 2CV en avait plein les pattes et avait peine à aller plus vite que lui.

Ainsi nous nous sommes retrouvés entre les deux, au début nous ne pensions pas à mal mais force était de constater que celui qui était devant, au lieu de nous distancer, semblait ralentir à une allure qui permettait au suivant de nous rattraper.

Le doute, les soupçons, les histoires que nous avions entendus refirent surface, un œil dans le rétroviseur, un œil sur la route et sur le camion de devant.

Pendant un certain temps, je me poser de sérieuses questions, seuls quelques rares véhicules nous croisaient et de surcroît il n’y avait pas de carrefour, ni de village dans les environs immédiats.

Nous étions en fâcheuse posture, sans porte de sortie.

Les minutes passaient et je voyais bien que nous étions pris au piège entre les deux, je m’attendais à tout moment voir ralentir le premier tout en restant au milieu de la route, je ne sais pas s’il jouait pour vrai au chat et à la souris ou s’il voulait nous effrayait, histoire de renforcer les rumeurs qui circulaient à leur sujet.

Fort heureusement une Land Rover nous rattrapa et vint se coller derrière le deuxième qui se décida à nous doubler, j’en profitais pour ralentir et me laisser doubler par la Land Rover qui nous fit, tout sourire, de grands signes en passant puis j’ai ccélèré au maximum pour leur coller au train le plus longtemps possible, la deudeuche donnant tout ce qu'elle avait dans le ventre.

De cette façon, je pensais qu’ils n’oseraient pas s’en prendre à deux véhicules en même temps.

Je dois avouer que pendant toute la traversée du pays, nous guettions chaque camion, ils devenaient tous douteux à nos yeux, je ne saurais dire si c’était mon imagination qui m’avait joué un tour ou si nous étions réellement passés à côté de bien mauvaises surprises.

Quoi qu'il en soit nous foncions vers Ankara, la capitale, située dans l’Anatolie, moins grande qu’Istanbul mais tout aussi impressionnante.

Ataturk la choisit pour capitale à la place d’Istanbul, histoire de rompre radicalement avec l’ancien régime.

C’est une ville où se côtoie, tout comme à Istanbul, le moderne et l’ancien, à cette époque l’urbanisation avait été mis de côté et des bidonvilles poussaient de tous bords, tous côtés..

Mosquée Ankara
vue de l'hotel à Ankara

Il restait néanmoins quelques monuments de valeur, dont la citadelle ottomane, Anitkabir, le mausolée d’Ataturk ou la mosquée de Kocatepe.

Comme pour Istanbul, nous avons dormi dans un hôtel du centre-ville, pendant que je terminais l’inscription à la réception, M.A (ma compagne) décida d’aller faire un petit tour à l’extérieur, elle voulait s’imprégner de l’ambiance locale.

Une fois terminé, je pris le chemin de la sortie et à peine arrivé sur le trottoir, je la vis revenir précipitamment, l’air effrayé, derrière elle, deux gars du cru lui couraient après, accompagnés d’une voiture qui longeait le trottoir, nous nous sommes jetés à l’intérieur de l’hôtel et je revois encore les deux gars faire demi-tour et monter dans la voiture puis disparaître dans le flot de circulation. Pour ce qui est de l’ambiance locale, elle avait été servie.

Il faut admettre qu’à cette époque, la traite de blanches était déjà monnaie courante et que M.A, jeune et jolie blonde, se remarquait très bien dans le décor local.

De plus, avec le flot continue d’Européens et Européennes en quête d’aventure, ils n’avaient pas besoin d’aller les chercher loin, elles venaient chez eux…

Les drogues de toutes sortes faisaient certainement des ravages dans les rangs des routards, les disparitions étaient fréquentes.

À partir de ce jour, elle ne chercha plus à se promener seule.

Ce soir-là, nous sommes restés dans les grands boulevards fortement éclairés et, à regrets, nous n’avons que très peu visité la ville.

Il faut reconnaître qu’à cette époque la Turquie avait une bien mauvaise réputation à l’égard des étrangers et plus particulièrement les touristes comme nous.

Rappelez-vous le film « Midnight Express » qui présentait la Turquie comme un pays violent, j’imagine qu’il était à l’origine de nombreux préjugés racistes injustifiés à leur égard et que nous sommes tombés ingénument dans le panneau.

Préjugés que nous aurons l’occasion de faire tomber lors du voyage retour.

Malgré cela, Ankara, nous laissera un souvenir amer et nous n’y resterons qu’une seule nuit.

Dans tous les cas nous devions bouger, si nous voulions traverser les hautes montagnes avant les grands froids.

Il y avait eu, quelques jours avant, des chutes de neige et nous ne voulions pas rester bloquer durant l’hiver dans un pays où nous doutions de l’hospitalité de ses hôtes.

 

à suivre…

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Nous voulions voir le toit du monde - Yougoslavie - Grece - Turquie

25 Février 2018, 17:42pm

Publié par Cire Cassiar

Yougoslavie
20 Dinars - Yougoslave

Ouverture des rideaux, petit-déjeuner rapide dans les maïs, check-list matinale, ciel dégagé, brise légère, cap sur la Grèce.

Nous reprenons la route, le long de la vallée du Vardar, ce fleuve de trois cent quatre-vingt-huit kilomètres (388) de long, qui prend sa source à Vroutok, petit village dans les montagnes Macédoniennes à l’est du Mont Korab (2 764 m) en Albanie. Il traverse les villes de Skopje et Vélès puis franchi la frontière grecque après Bogoroditsa.

Il continue son chemin vers le golfe de Thessalonique au bord de la mer Égée, à vingt kilomètres à l’ouest de ville.  Le Vardar sépare physiquement en deux la Macédoine et sa vallée est le principal vecteur de communication du pays.

Encore quelques dizaines de kilomètres et ce sera la frontière, nous quittions sans regret ces paysages montagneux et agricoles, aux villes et villages austères.

La Macédoine et le Kosovo n’étaient pas, à proprement parler, des lieux hautement touristiques, la pauvreté était présente et les inégalités sociales flagrantes, surtout par rapport aux régions côtières et touristiques du Monténégro, de la Croatie et la Bosnie ; Il est vraisemblable que tout cela ait joué un rôle dans le déchirement qu’a connu la Yougoslavie dans les années qui suivirent.

Mais à cette époque la désinvolture de la jeunesse et la méconnaissance de la politique mondiale, faisaient en sorte que nous traversions l’espace et le temps sans préoccupation d’aucune sorte.

Le pied à fond sur l’accélérateur, nous avalions les kilomètres en direction de Bogoroditsa, ce petit village frontalier avec la Grèce. Le passage fut comme une lettre à poste, quoique depuis quelques années la poste ait perdu de son efficacité légendaire.

Et nous voilà en territoire hellénique, notre première halte fut pour y savourer les Souvlakis, vous savez ces fameuses brochettes arrosées de jus de citron, d’huile d’olive et aromatisé de thym et d’origan.

Rien que d’y penser je salive, c’est curieux comme l’on se souvient de ce genre de détail, même après tant d’années, je ne saurais dire le lieu mais par contre je me souviens très nettement que c’était un petit camion en bord de route et nous les avions avalés goulûment, par la suite nous n’avions qu’une hâte, c’était de retrouver ce genre de camion sur notre chemin avant de quitter la Grèce.

Thessalonique, ville portuaire de belle importance, connue comme étant la capitale de la culture Grecque. Elle donna naissance à Ataturk, appelé aussi Mustafa Kemal, pour les connaisseurs c’est le fondateur de la république turque. Il faut dire que cette région fut pendant très longtemps sous domination ottomane.

Grèce antique
50 Drachmes - Grec

Cette ville multiethnique ayant subi beaucoup d’influences au cours des siècles, nous laisse de beaux monuments tel que la Tour blanche datant du règne de Soliman le Magnifique, l’arc de Galère datant de trois cents ans après J.C, vestige d’un ensemble de monuments dont la Rotonde ou temple de Zeus.

Depuis, tout cela a été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Plus proche de nous, le front de mer ou Boulevard de la Victoire et sans oublier la très agréable place Aristote avec vue sur mer.

Tout comme la région de Kotor, dans le Monténégro (ex Yougoslavie) la Grèce nous fit promettre de revenir lors d’un prochain périple, ce que nous ferons sans hésiter l’année suivante et jusqu’en Crête.

Le lendemain matin nous avions décidé de goûter au petit-déjeuner Grec, pour cela nous nous sommes arrêtés dans un relais routier, quoi de plus authentique pour des routards ?

Olives noires, tomate fraîche, fromage féta, pain pita le tout arrosé d’huile d’olive, du thé et on termine avec une grosse figue fraîche, ça commence bien une journée…

Direction Alexandroupolis en passant par le magnifique bord de mer de Stavros, Kavala et Xanthi, une des villes les plus pittoresques à visiter absolument.

La vieille ville fut construite à flanc de montagne comme un amphithéâtre, avec de ravissantes rues pavées et des maisons très colorées d’une architecture très typique.

Et si vous aimez la nature, les beaux paysages, les ballades, prenez alors les petites routes sinueuses de l’arrière-pays qui mènent à plusieurs monastères, à des cascades et des panoramas à couper le souffle.

Il nous fallait quitter Xanthi pour Alexandroupolis dernière grande ville avant la Turquie.

Mis à part son phare et ses plages de sable fin, la ville ne nous a pas impressionnés.

Le passage de la Grèce vers la Turquie se fit à Ipsala, comme le passage en douane nous a pris quelques heures, la nuit tombante, nous décidions de dormir sur le stationnement d’une station-service bien éclairée.

Pourquoi cette précision ? C’était un conseil que nous avions lu dans le guide du routard, il semblait que la présence d’étranger en Turquie attirait les convoitises.

Sage précaution en effet, nous avions demandé à l’employer ou nous pourrions stationner pour la nuit et il nous guida vers un coin tranquille puis nous fit manœuvrer de curieuse façon.

Turquie
Turkish Lira

La soirée se passa sans encombre et comme prévu nous avons mis la banquette sur le capot moteur, verrouillé tous les coffres, installé le lit et tiré les rideaux pour la nuit.

Malgré tout cela, inconsciemment je gardais mon esprit en alerte, je ne sais pas pourquoi mais j’avais un indéfinissable pressentiment.

En pleine nuit, toutes les lumières s’éteignirent, instantanément je fus réveillé, j’écartais les rideaux pour voir ce qu’il se passait, normalement la station aurait dû rester allumée toute la nuit et je remarquais des allées et venues du côté du bâtiment.

Je restais aux aguets et réveillais ma compagne pour l’informer du fait, c’est alors que je vis deux ombres s’approcher, tourner autour de la voiture et repartir vers le bâtiment.

Mon sang ne fit qu’un tour, notre position devenant très inconfortable, devant l’urgence de la situation, sans lumière et sans bruit nous avons rentré la banquette sommairement, placé le matelas pour pouvoir conduire le véhicule, poussé la voiture de quelques mètres pour pouvoir repartir puis j’ai mis le moteur en route et nous avons filé sans regarder en arrière.

Nous avons roulé pendant plus d’une heure, assis sur le matelas, sans dossier, pas facile de conduire dans cette position, mais nous étions soulagés d’avoir quitté cet endroit louche et malsain, pour enfin nous arrêter sous un lampadaire dans le stationnement du port de Tekirdag pour y terminer la nuit.

Le sommeil fut difficile à trouver tellement nous avions les sens en effervescence. L’adrénaline je suppose…

Je ne sais pas ce qui se serait passé ce soir-là si nous étions restés et je ne veux même pas le savoir…

Au Matin, nous reprenions la route en direction d’Istanbul et rejoignons la route E80, axe très fréquenté, qui traverse toute la Turquie par le nord du pays pour rejoindre l’Iran.

Ce jour-là il y avait un fort vent de face, nous avions peine à avancer, le compteur de vitesse culminait allègrement à 75 km/h et je revois encore dans le rétroviseur cet énorme camion Turc, avec toutes ses décorations autour du pare-brise, il nous rattrapait peu à peu, je ne pouvais enfoncer plus l’accélérateur, j’étais déjà au plancher, donc au maximum des possibilités de notre vaillante deudeuche.

Je le voyais grossir, au bout d’un moment, je ne voyais plus que la calandre et c’est alors qu’un klaxon rugissant se fit entendre, il n’y avait que deux voies et la circulation était tellement dense, qu’il lui était impossible de nous doubler et je ne voyais pas comment je pouvais faire pour le laisser passer sinon que de rouler sur le bas-côté.

Espérant qu’il comprendrait mon inconfort et mon incapacité à aller plus vite, je ne bronchais pas et je gardais stoïquement le cap et la pédale enfoncée, lui, il continuait à klaxonner rageusement par intermittence ; À nouveau je vis grossir son pare-chocs et s’approcher si dangereusement que je n’eus qu’un réflexe, foncer vers le bas-côté en espérant qu’il ne soit pas trop cahoteux.

La deudeuche étant fort heureusement dotée de suspension extraordinaire, fut capable d’absorber les inégalités du terrain et nous le vîmes passer en trombe, klaxon hurlant sans interruption.

J’avoue qu’après coup nous nous sommes demandé ce qu’il aurait fait si je n’avais pas pris cette initiative.

Décidément, la réputation de l’accueil Turc les précède, elle n’avait vraiment rien à voir avec les autres pays déjà traversés.

Un peu plus tard dans la même journée, nous nous sommes retrouvés immobilisés, sur une route à trois voies, dans un immense bouchon pendant plus de deux heures. Lorsque la circulation fut rétablie nous avons compris ce qu’il s’était passé.

Durant l’attente, des petits marchands à la sauvette, vendaient toutes sortes de choses y compris de la nourriture.

Il y en avait un qui portait un gros panier avec de gros fruits, nous n’étions pas vraiment sur de la sorte de fruit, il nous semblait que c’était des poires, nous l’avons fait venir et nous lui en avons acheté plusieurs, heureux d’avoir participé à l’économie locale.

Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que c’était des coings, fruit immangeable quand il n’est pas cuit. En effet quand on a jamais acheté de coings on peut facilement se méprendre.

Malgré tout, nous avons tenté l’expérience de les goûter cru, en se disant que s’il en vendait, peut-être étaient-ils différents de ceux que nous avions en France.

Force était de constater qu’ils étaient durs comme du bois et d’un goût âpre, pas de doute, il fallait bien les faire cuire.

Quand nous avons pu avancer, arrivé sur les lieux de l’accident, parce que c’était bel et bien un accident qui avait causé tout ce patacaisse, il y avait deux camions, carbonisés, qui visiblement s’étaient percutés de face, aucun des deux n’a voulu lâcher le morceau en doublant sur la route à trois voies, voilà pourquoi, en France, elles avaient été supprimées ou aménagées pour éviter ce genre de face-à-face.

On m’avait prévenu que les Turcs étaient du genre rudes, fonceurs, sans peur et sans pitié et bien j’ai également compris pourquoi on employait l’expression « tête de turc ».

Il est vrai que les différents manuels du voyageur, le guide du routard, pour ne nommer que lui, essayaient d’informer le globe-trotteur que la Turquie n’était pas un pays facile.

Par exemple, ils n’hésitaient pas à dire qu’il fallait absolument éviter de camper n’importe où, mal pris, il était préférable de choisir le stationnement d’une gendarmerie et en général ils étaient assez compréhensifs.

C’est un conseil que nous aurons l’occasion d’appliquer, un peu plus tard, dans le centre de la Turquie.

Autre conseil, dans les grandes villes, il valait mieux aller à l’hôtel et laisser sa voiture au stationnement dudit hôtel, qui est normalement surveillé.

Istanbul était une ville tellement immense, grouillante, que nous n’avions guère le choix et toujours sur les conseils avisés du guide du routard nous avons pris pension aux alentours de la majestueuse Mosquée Bleue avec ses six minarets.

à  suivre…

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Nous voulions voir le toit du monde - Le grand départ

19 Février 2018, 18:42pm

Publié par Cire Cassiar

Le Grand départ

Fin septembre, enfin nous étions prêts, du moins nous le pensions.

Je n’ai que de vagues souvenirs, sans grand intérêt, de la traversée de la France, pourtant, Rouen est bien loin de Menton, mille deux cents kilomètres, surtout avec une 2CV chargée à bloc, du matériel sur le toit qui ne permet pas de dépasser les 85 km/h comme vitesse de pointe, sans vent…

Nous n’avions qu’une hâte, traverser la frontière ; Et oui ! À cette époque il y avait encore des frontières autour de la France, Menton d’une seule traite, nous voulions dormir en Italie.

Donc pas question de s’arrêter bien longtemps, quoique avec un réservoir de 25 litres cela ne laissât qu’une autonomie max de 350 km…

La première nuit fut dans les environs de San Remo, ce fut l’occasion de tester le confort intérieur qui nécessita quelques ajustements.

L’Italie du Nord fut traversée en passant par Venise, on nous avait prévenus sur l’honnêteté légendaire des commerçants italiens envers les voyageurs étrangers, ce qui ne nous a pas empêchés de nous faire arnaquer gentiment et avec le sourire en prime au premier plein d’essence. Il est vrai qu’à l’époque la Lire italienne ne valait pas grand-chose, les chiffres étaient astronomiques pour une bouchée de pain.

Dix mille lires pour quelques litres d’essence, comment ne pas s’y perdre.

Je me souviens très bien du pompiste qui, avec de grands gestes, tentait de nous expliquer qu’il fallait absolument visiter la « Piazza San Marco » tel un illusionniste, il détournait mon attention pendant qu’il me rendait la monnaie, du moins c’est ce que je pensais.

Évidemment nous ne pouvions passer à côté sans la visiter, il faut admettre que Venise reste et restera une escale touristique hors du temps ; La Basilique, le Palais des Doges, la tour de l’Horloge, la Piazzeta et ses colonnes, bref, un passé chargé d’histoire, rien qu’aller boire un cappuccino au café Florian dans ses salons du XVIII est un moment de grâce.

Malgré tout, le premier vrai dépaysement fut la Yougoslavie, autant l’italien est relativement proche du français, à bien des égards, mais là rien que la langue nous était totalement étrangère. Faire les courses à l’épicerie de Kozina, décrypter les noms des produits, rendre la monnaie fut notre première épreuve en tant que voyageur novice.

Visa de Kozina après l'italie et visa Grec a Evzonoi

L’accueil, les paysages, la nourriture, la température, les diversités culturelles, tout cela nous laissera des souvenirs encore inoubliables à ce jour et on a même du mal à s’imaginer que ces peuples se soient entre-déchirés.

Il est vrai que la Yougoslavie tenait sous la férule de Tito jusqu’à sa mort et que la côte Adriatique était le lieu de vacance et de villégiature pour de nombreux Européens, principalement les Allemands.

Je présume que les pouvoirs locaux faisaient en sorte que cela ne paraisse pas afin d’attirer le touriste.

Quoi qu’il en soit, Zadar, Split, Dubrovnik furent des escales forts agréables.

Je me souviens des fortifications de Dubrovnik, des remparts en pierre du XVIe siècle, de la ville aux rues pavées, particulièrement Stradun, ou on y trouve de nombreux restaurants et boutiques, des dépôts de boulets en pierre, parfaitement rond, vestiges d’un autre temps, et je pensais à ceux qui avaient dû les tailler de la sorte, bien qu’a cette époque les envahisseurs potentiels progressaient à pied ou en bateaux à voile, le temps n’avait pas la même valeur.

Et tous ses monuments dont l’église baroque Saint-Blaise, le palais Sponza, de style Renaissance ou encore le Palais du Recteur, de style gothique, sans oublier ses environs avec de petites criques ou l’eau de couleur émeraude est limpide comme dans un aquarium.

Cette ville côtière fut autrefois la capitale d’une république maritime connue sous le nom de République de Raguse. Ses habitants s’appellent des : ragusains, curieux n’est-ce pas ? Bien que je n’aie rien à dire à ce sujet, moi qui suis originaire de Béziers, on appelle ses habitants des : Biterrois, ce qui est tout aussi original.

Nous aurions bien voulu y séjourner plus longtemps mais nous nous sommes promis d’y revenir l’année suivante.

La baie de Kotor, impressionnante de beauté avec ses montagnes sauvages, escarpées qui dévalent abruptement dans la mer, la route à flanc de montagne qui en fait le tour et ce petit village pittoresque, l’île Saint Georges et Notre dame du Récif, sacré idée que d’aller construire un monastère sur un petit bout de cailloux au milieu de l’eau. Il y avait tellement à visiter… Nous n’avions que cinq mois et notre but était encore loin.

Descendre jusqu’en Grèce en suivant la côte Adriatique aurait été vraiment chouette mais l’Albanie nous refusait le passage et nous fûmes contraints d’en faire le tour.

Les routes de montagne du Monténégro furent le premier test pour notre vaillante 2CV, sinueuses, escarpées, abruptes et parfois étroites, mais tellement belles, notre monture s’en tira à merveille.

Dans toutes les villes et villages que nous avions traversés et cela quelle que soit leur importance, dès la tombée de la nuit les rues principales ou les places étaient bondées de jeunes, qui semblaient aller et venir sans but, l’ambiance était conviviale, animée, était-ce les prémices d’une révolution future ? Qui sait !.

À Budva, dernier arrêt au bord de la mer, il nous fallait, a regret, quitter l’Adriatique et traverser les reliefs en direction de la ville de Podgorica, nichée dans une petite plaine débouchant sur un lac, enclavée au milieu des montagnes ensuite direction Mitrovica.

Comprenant que la route serait difficile, nous avions décidé de nous avancer sur le trajet, hésitant sur la route à suivre, alors que la nuit venait de tomber, nous demandâmes notre chemin à la première personne que nous vîmes, celui-ci fort aimablement et avec de grands gestes, toujours le même mot « sneh ! » nous fit comprendre que la route que nous envisagions de prendre était sous la neige, il nous indiqua sur la carte la meilleure route pour aller à Mitrovica.

Après plusieurs dizaines de kilomètres, voyant les méandres de la route, la pente qui s’accentuait, le peu de circulation, nous décidions de faire halte dans un petit village pour y passer la nuit.

Au matin, réveillé par le cri d’un rapace, on écarte les rideaux, le spectacle était magnifique au milieu des montagnes, le temps était doux en ce début d’automne. Prendre son petit-déjeuner dans un aussi beau décor, sans s’occuper de l’heure, sans penser au lendemain, que demander de mieux.

Replier le matelas, remettre la banquette en place, faire un brin de toilette, ranger le matériel dans le coffre, vérifier le niveau d’huile, sortir les cartes et jeter un œil au trajet sera notre routine durant cinq mois au travers de contrées aussi diverses que variées.

Moteur ! Et nous voilà parti pour de nouvelles aventures, la route est sinueuse, ardue, la deudeuche semblait très à l’aise, elle grimpait sans broncher, enchaînant virage après virage, puis ce fut la descente sur la vallée de Mitrovica.

Si les massifs montagneux après Kotor valaient vraiment le détour, en revanche les villes de Mitrovica et Pristina nous parurent plutôt maussades. Ambiance médiévale, agricole et pauvre, on ressentait nettement la différence de niveau de vie entre les régions. De plus le temps gris ne nous incitait pas à la visite.

Nous regrettions vraiment la côte Adriatique, nous n’avions qu’une envie, traverser au plus vite cette région, passer par Skopje et rejoindre la Grèce, le soleil et la Méditerranée.

Sur la route nationale entre Pristina et Skopje, nous fûmes arrêtés par un policier pour excès de vitesse, vous imaginez ? Il prétendait nous avoir vus passer à plus de 100 km/h, j’eus beau essayer de le convaincre que c’était matériellement impossible, je lui sortais le manuel de la voiture mais il ne voulait rien entendre, il voulait surtout qu’on lui paye sur place le procès-verbal rédigé dans une langue que nous étions bien en peine de déchiffrer, sauf le chiffre de 100 km/h et le montant du PV en monnaie locale.

Devant son insistance et les menaces de bloquer la voiture, contraint et forcé, je lui réglais le montant inscrit et il nous laissa continuer notre chemin en empochant l’argent dont je suppose que personne d’autre n’en aura vu la couleur.

Skopje, une ville qui ne laisse pas indifférent avec son vieux pont de pierre, en arc, de l’empereur Dusan, construit au XVième siecle, sa forteresse byzantine qui domine la vieille ville et son vieux bazar. Il y a bien sur les traces de Mère Teresa, née en ces lieux en 1910, devenu une figure nationale avec son prix Nobel de la paix.

Ce soir-là nous avons dormi dans un champ de maïs à la sortie de Skopje, réveillé au matin par le bruit des tracteurs, nous avons repris la route pour Thessalonique.

Deux cents kilomètres et une frontière à traverser avant de revoir la mer.

 

à suivre...

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Nous voulions voir le toit du monde - Les préparatifs

12 Février 2018, 19:36pm

Publié par Cire Cassiar

Les préparatifs
 
Rouen - Paris, tout un voyage en 4L Renault pour des provinciaux, la circulation, les bouchons, les difficultés de stationnement, les taxis, les piétons et la faune locale furent pour nous une première petite épreuve mais notre motivation était telle que rien n’aurait pu nous arrêter.
L’Astrolabe, était situé au 46, rue de Provence à Paris, elle ne pouvait pas être mieux placée pour un provincial originaire du sud de la France, il y avait là tout ce dont pouvait rêver un jeune en mal d’espace qui souhaitait parcourir le monde, ce fut pour nous la caverne d’Ali baba.
Je n’ai qu’un vague souvenir des lieux, je me rappelle qu’il y avait du monde et que l’espace était assez restreint, tant il y avait de stock et c’est là que j’ai découvert pour la première fois le fameux « Guide du routard ».
 
Cet ouvrage est, sans conteste, une mine d’information inestimable pour voyageurs de tous âges.
 
Mais on y trouvait aussi des cartes au kilomètre, des manuels de voyage, de survie, de secours, des recueils d’informations, photos, boussoles et autres matériels utiles ou inutiles.
La journée fut bien remplie, à explorer les lieux pour y dénicher les cartes des pays orientaux, autant l’Europe était dotée de cartes très précises, colorées et de toutes formes, autant des pays comme l’Iran, l’Afghanistan, le Pakistan, l’Inde et le Népal n’avaient que des cartes rudimentaires, mais malgré tout suffisante pour le voyage.
 
De retour à Rouen, nous passions toutes nos soirées et fin de semaine à analyser le trajet, à collecter toutes les informations, à évaluer les distances, à imaginer les difficultés, à prévoir les points de chutes possibles et à estimer le temps entre chaque escale qui bout à bout devait durer cinq mois et…
 
Vingt-cinq mille kilomètres !
 
Ce fut un projet sans commune mesure avec ce que j’avais vécu auparavant. Il demandait toute notre attention durant nos jours de repos ; En effet pour être capable de mener à bien un tel voyage, il fallait non seulement des moyens financiers, mais aussi des moyens matériels et comme point de départ nous n’avions qu’une Deudeuche (2CV).
 
Pour les non connaisseurs ou les jeunes générations, avec ses deux cylindres à plat de 435 cm3 de cylindrée totale, elle ne consommait que 6 litres aux cent kilomètres et pouvait atteindre les cent (105) kilomètres à l’heure, avec un léger vent arrière, ce n’était pas un bolide mais quel véhicule !
Grâce à sa suspension originale, elle avait une tenue de route exceptionnelle, il était quasi impossible de la renverser sur le côté, à moins d’y mettre de la bonne volonté, une facilité d’entretien ou toutes les composantes étaient accessibles avec un petit outillage de base.
Capable de consommer, avec son carburateur Solex, n’importe quelle essence (avec plomb) de n’importe quel grade sans broncher et capable d’absorber n’importe quelle huile sans faillir.
D’ailleurs, il n’y avait pas de filtre à huile, donc pas de manomètre de pression ni de température, juste un indicateur de vitesse et une jauge à carburant, une dynamo pour recharger la batterie de 6 volts ou, lorsque les charbons étaient usés, on le savait en voyant l’intensité des phares la nuit.
Difficile à refaire de nos jours, avec nos véhicules si pointus ou, dès que vous ne mettez pas le bon carburant ou la bonne huile, le moteur chauffe, cliquette ou s’encrasse et affecte les performances.
 
Si je me laissais aller, je ne tarirais pas d’éloge pour ce véhicule qui m’a permis non seulement de traverser la France en long, en large et en travers, mais aussi de faire ce voyage unique et de repartir l’année suivante pour la Grèce, sans faire d’entretien particulier.
Je l’ai revendu et remplacé par une Estafette Renault, plus spacieuse, mais souvent regretté sa conduite et sa facilité d’entretien.
 
Mais revenons à nos moutons…
 
Pour cela nous dûmes travailler tous les deux et utiliser toutes nos ressources, nos contacts, nos énergies… Il nous fallait être prêt à l’automne.
Nous n’avions que quatre mois devant nous et nous ne voulions pas rater le départ. C’était un peu comme pour les fusées, nous avions une fenêtre de tir et il ne fallait pas la rater.
En effet, vingt-cinq mille kilomètres de routes et de pistes, une dizaine de pays, parfois hostiles, et nous n’avions que cinq mois pour faire le voyage.
Certaines contrées devaient être traversées avant l’hiver, tel que les montagnes du centre de la Turquie et pour cela nous ne devions pas traîner, tout devait être calculé pour que nous ayons le temps de faire l’aller avant la neige et le retour après la neige.
De plus, mon employeur, le club de vol à voile rouennais, comptait sur moi pour la prochaine saison, j’assumais à cette époque, les fonctions de chef instructeur et je leur avais promis d’être de retour à temps.
 
Beaucoup n’y croyaient pas, pensant que nous allions abandonner devant le manque de temps pour tout préparer, ils nous prenaient pour de jeunes écervelés, des « babas cool ».
Seuls quelques amis venaient rêver avec nous, soutenant ainsi notre démarche, même s’ils n’avaient pas le courage d’en faire autant ; Leurs présences, leurs arguments, leurs interrogations et aussi cette petite flamme dans leurs yeux quand nous parlions de désert, de montagne himalayenne, de Népal, furent pour nous d’un grand soutient.
 
Ce ne fut pas facile de concilier le travail et la préparation de la voiture, il fallait faire de cette 2CV Citroën standard un véhicule à la fois tout terrain, capable de transporter tout ce dont nous avions besoin, aménager pour y dormir à l’intérieur et la rendre difficilement accessible de l’extérieur pour qui aurait été animé de mauvaises intentions.
 
Pour ceux qui ne la connaissent pas, le volume habitable est assez intime, la distance entre la porte du coffre arrière et les pédales de conduite était assez juste pour s’y allonger, donc nous ne pouvions emporter que la banquette avant pour la conduite.
 
Une fois la banquette arrière retirée, il fallait trouver une façon de combler la marche haute de dix centimètres, entre le plancher avant et le plancher arrière pour rendre le matelas de mousse, épais de vingt centimètres, le plus confortable possible. La solution fut très simple, des vêtements de rechange roulés au pied de la marche.
 
Durant les déplacements, celui-ci était plié vers l’arrière afin de placer la banquette avant, juste comme il faut pour pouvoir conduire confortablement.
Lors des escales, nous devions retirer la banquette pour la nuit, la poser sur le capot moteur et la recouvrir d’une toile pour la protéger des intempéries.
Sur le toit, nous avions conçu une solide galerie, fixée de l’intérieur, sur laquelle nous avions disposé un coffre en bois de fabrication maison, un bidon de carburant, un bidon d’eau et la roue de secours, le tout attaché par des tendeurs et des chaînes avec cadenas. Un voleur aurait eu bien du mal à tenter de nous dérober quoi que ce soit sans tout arracher ou défoncer.
 
Nous connaissions un petit garagiste local, fort sympathique à la cause et super-bon bricoleur, qui souda une tôle de renfort sous le moteur, bricola des grilles démontables pour les phares et le pare-brise et bidouilla une solide fixation pour la galerie.
C’est lui qui m’aida à préparer une petite trousse de dépannage en tout genre et me fournit quelques pièces essentielles, tel que des bougies de rechange, chambres à air, filtre à air… etc.
L’espace de stockage étant très limité, il fallait réfléchir sur l’utilité de chaque objet.
Il restait les pneumatiques, pour cela nous avions contacté tous les fournisseurs et le seul qui proposait le pneu que nous cherchions fut Michelin, ils avaient conçu un pneu extraordinaire appelé « Grand raid ».
Quatre furent montés aussitôt sur la voiture et un cinquième en secours sur le toit.
Ces pneus furent une pure merveille car non seulement ils firent le voyage aller-retour sans encombre mais en plus ils restèrent sur la voiture pendant les deux années qui suivirent, c’est dire la qualité incomparable, surtout actuellement.
Ensuite, il fallait penser au reste du petit équipement pour tenir cinq mois sur la route, au financement et comment stocker tout cela sans risquer de se le faire voler, puis finalement les passeports et les visas des différents pays à traverser.
 
À l’époque, la Yougoslavie était en un seul morceau sous la férule de Tito, l’Albanie était inaccessible, la situation politique en Turquie était assez chaotique, le Shah était au pouvoir en Iran, soutenu par la Savak, cette police sans pitié pour qui que ce soit, l’Afghanistan était en paix, les frères ennemis, l’Inde et le Pakistan, étaient considérés comme des pays en voie de développement et le Népal était réputé comme un havre de paix, une destination pour les routards.
 
Quatre mois de préparatifs, c’est très court pour ne rien oublier, tout envisager, avec le recul je ne suis pas certain que nous avions vraiment tout prévu, mais quand nous sommes partis, nous n’avions aucun doute, c’était vraisemblablement l’insouciance de la jeunesse…
 
à suivre...

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Nous voulions voir le toit du monde

5 Février 2018, 17:59pm

Publié par Cire Cassiar

Épilogue

Nous étions jeunes et libres d’attaches.

Notre vision du monde était on ne peut plus idyllique, il est vrai que nous étions sur la vague des "Peace and Love", bourrés de bonnes intentions, nous flottions sur un nuage.

J’en imagine beaucoup, souriant en pensant au cannabis et tous ses dérivés mais détrompez-vous, nos intentions étaient pures, désolé de vous décevoir, nous n’y avons même pas touché.

Au cours de l’été 1976 sur l’aéroport de Rouen-Boos, je fis la connaissance de M.A, je l’appellerais ainsi afin de préserver son identité.

Nous campions, dans une pièce, au troisième étage d’un très vieil immeuble d’un quartier populaire, en plein cœur du centre-ville de Rouen, la ville aux cent clochers.

Pour commodités, nous n’avions qu’un évier rustique avec uniquement de l’eau froide, pour le bain il fallait faire chauffer l’eau sur un gros camping gaz et la verser dans une grosse bassine qui servait de baignoire; Les toilettes communes étaient situées dans le fond du couloir dont la lumière était souvent absente.

Malgré l’inconfort, l’ambiance était plutôt sympa entre tous les locataires de l’immeuble. Nous étions peu fortunés mais insouciants et heureux !...La Bohême !

M.A avait l’habitude de ne jamais fermer les portes de sa vielle 4L Renault, elle disait qu’ainsi les petits voleurs à la tire ne fractureraient pas la porte pour fouiller dans la boîte à gant, dans laquelle elle ne laissait jamais rien.

Je dois reconnaître que j’ai appliqué cette méthode pendant longtemps, n’ayant pour la plupart du temps que de vieille voiture en bout de course.

Or à cette époque j’étais l’heureux propriétaire d’une 2CV Citroën, que l’on prononce « deux chevaux », elle avait dix d’âge, ce qui était encore jeune pour ce type de véhicule surtout à cette époque, fermer les portes n’aurait servi à rien étant donné que toit était en toile. Il valait mieux laisser les portes ouvertes plutôt que de retrouver la toiture éventrée.

voyage Rouen-Katmandou en 2CV
Tracé du voyage Rouen - Katmandou en 2CV

Ce véhicule avait la particularité d’être mécaniquement très simple, léger au niveau structure, hyper-stable et sécuritaire sur le plan de la conduite. Ses performances étaient loin d’être son meilleur atout mais elle était bougrement économique et capable de consommer n’importe quelle essence, quelle que soit la qualité ou le grade. C’était le véhicule idéal pour voyageurs sans-le-sou.

Vous êtes-vous déjà réveillé un beau matin avec une idée fixe en tête ? Une idée si forte que vous n’arrêtez pas d’y penser toute la journée, une idée qui se précise au fur et à mesure que vous en parlez et vous faites fi des arguments qui vont à l’encontre de cette idée, bien au contraire cela ne fait que la renforcer.

Je ne sais pas si c’est un vent de « Sur la route » de Jack Kerouac qui nous a poussé à partir pour un si long voyage, mais nous avions trouvé notre objectif « l’Himalaya », nous voulions voir le toit du monde...

L’idée était devenue si limpide que rapidement nous avons entamé les préparatifs. La première étape fut de trouver les cartes, il nous fallait visualiser le parcours ; J’ai toujours été fasciné par les cartes de géographie, elles m’ont toujours fait rêver, rien qu’en lisant les noms, en examinant la topographie, le découpage des pays, les routes, les villes, les montagnes, les déserts, bref… Le Monde.

Direction Paris en 4L ; Destination « La librairie L’Astrolabe », spécialisée en documentation de voyages en tout genre, c’était notre première étape et de loin la plus facile...

 

...à suivre...

 

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