Nous voulions voir le toit du monde; Amritsar - New Delhi
Quatre cent cinquante kilomètres de routes encombrées de toutes sortes de véhicules, charrettes et animaux, fréquentées par de nombreux piétons, marchands ambulants, gamins, religieux et mendiants et le tout en conduisant à gauche avec un véhicule Européen.
Autant dire que nous étions aux aguets et deux paires d’yeux n’étaient pas de trop.
Nous n’avions jamais vu autant de monde, à pieds et si peu vêtu… La pauvreté étant la norme.
Au fur et à mesure que nous approchions du centre du pays, la température grimpait graduellement et la sécheresse rendait les routes poussiéreuses.
Slalomer entre les vaches sacrées, les nids-de-poule, les travaux, les éléphants, les véhicules qui s’arrêtent n’importe où n’importe quand, ceux qui sont en pannes ou abandonnés, les passages de chemin de fer chaotiques, les accrochages entre conducteurs qui s’interpellent, bref attachez vos ceintures, c’est tout une aventure en soi.
Une circulation désordonnée, certains ne craignant pas de rouler a contresens, les scooters zigzaguaient rapidement entre les véhicules, ce qui n’empêchait pas de trouver une vache sacrée couchée en plein milieu du chemin, tout le monde en fait le tour et les quelques forces constabulaire que nous avions pu entrevoir semblaient complètement déconnectées à moins que ce ne soit nous…
Et le bruit ! Que dire de ce brouhaha continu ponctué de coups de klaxons qui est une façon de communiquer entre conducteurs.
En Inde on klaxonne pour tout et n’importe quoi, pour tourner, doubler, croiser serré, râler, dire bonjour, pour rien…
L’Inde est un autre monde ou les valeurs occidentales ont peu ou pas de place dans cet univers chaotique qui, malgré tout, semble fonctionner.
Nous avions dépassé un rouleau compresseur quelques minutes auparavant et étions stoppés à un passage à niveau, une nuée de gamin gravitait autour de la voiture dans un babillage incessant lorsque tout à coup, toutes les têtes se sont tournées vers l’arrière, il s’ensuivit des cris, des appels en tous sens, tout ce petit monde reflua vers l’origine des cris, instinctivement je m’attendais à voir le rouleau compresseur arriver dans le rétroviseur, or celui-ci avait disparu et quelle ne fut pas ma surprise de voir à la place un nuage de poussière… Il était tombé dans le fossé…
À ce moment-là, le passage à niveau s’ouvrit et la circulation reprit son cours, je me suis toujours demandé, comment un rouleau, roulant à la vitesse d’une tortue, avait pu quitter la route pour terminer dans le fossé ?
Nous n’étions pas au bout de nos surprises, quelques dizaines de kilomètres plus loin, un ralentissement, nous pensions à un accrochage, des travaux ou le passage d’un train, lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, il y avait, sur le bord de la route, le cadavre d’une vache sacrée, entourée d’une nuée de vautours charognards qui s’affairaient à dépecer la carcasse, sous les regards désintéressés de la population locale qui vaquait à ses occupations, comme si tout était normal, le lendemain il ne restera plus qu’un squelette bien nettoyé.
Remarquez, cela a de quoi surprendre, lorsque dans votre pays, les carcasses sont immédiatement ramassées, les lieux désinfectés et les vautours confinés dans les zones montagneuses.
La route longeait une voie de chemin et il n’était pas rare de voir des grappes humaines tirées par une locomotive à vapeur, crachant une épaisse fumée noire et blanche.
Les trains n'ont rien à voir avec ce que nous avions pu voir ailleurs, les wagons disparaissaient sous les grappes de voyageurs accrochés à tout ce qui dépassait, sur le toit et même sur les tampons en avant de la locomotive et tout cela était normal.
Alors que la « Sécurité » est devenue une obsession de tous les gouvernements, les dirigeants, les compagnies, les individus dans la majeure partie du monde, il semble que cela n’ait pas encore atteint l’Inde quand on voit les images actuelles, la locomotive a changé mais le mode de transports est le même.
La journée, quoique éprouvante, ne nous avait préparés au contraste de la ville de New Delhi, autant la périphérie était très populeuse et grouillante de vie, le vieux centre, avec tous ces monuments, était bien plus calme.
La traversée de la banlieue était un immense capharnaüm ou chaque carrefour était une jungle dans une cacophonie indescriptible. Nous avions trouvé, grâce au guide du routard, une auberge proche du centre-ville, dans un lieu "relativement calme".
Une fois nos bagages posés et la voiture stationnée, nous avions choisi de prendre un « rickshaw » ce légendaire tricycle, pas toujours motorisé, qui permet de se déplacer sans difficulté pour quelques roupies.
Devant l’auberge, il y en avait plusieurs à bras et quelques motorisés, nous avons longuement palabré avec la personne à l’accueil, nous hésitions à prendre celui à traction humaine au profit d’un motorisé, dans notre esprit d’Occidental affranchi, se faire tirer par un humain nous donnait le sentiment d’avoir un esclave à notre disposition, un homme à la place d’un cheval, c’était contre nature ;
Mais le préposé fut assez persuasif et fini par nous atteindre sur un autre plan, en effet, si quelques roupies ne représentaient que peu de choses pour nous, cela équivalait une journée de salaire, de quoi nourrir la famille du conducteur.
Je vous avoue que l’expérience fut malgré tout peu agréable, même si nous étions assurés de faire une bonne action, voir le conducteur tirer comme un bœuf, le cou et les muscles des épaules contractés, l’entendre peiner sous la charge était pour moi très pénible, j’eus plusieurs fois l’envie de descendre pour l’aider mais nous avons suivi les conseils de l’aubergiste et résisté à cette tentation. Descendre en marche aurait été un déshonneur pour lui et sa famille et il aurait pu même y perdre son travail. En effet, ils ne sont pas tous propriétaires dudit véhicule, parfois même ils travaillent pour payer leur dette et avoir une gamelle pour survivre.
Notre chauffeur, nous l’appellerons ainsi, nous proposa la visite d’un atelier de tissage de foulard en soie, brodée d’or, ensuite il nous fit visiter une boutique de tapis, une bijouterie puis finit par nous amener dans un restaurant.
Nous apprîmes plus tard que pour chaque visite et vente dans les boutiques, notre chauffeur touchait une commission, si nous l’avions su plus tôt nous aurions visité plus de commerces ; Avant de nous quitter, nous convenions d’une heure de retour, celui-ci devait nous attendre un peu plus loin car il n’avait pas le droit de rester devant le restaurant.
Je dois dire que la cuisine indienne est surprenante à bien des égards, elle réussit à jongler aisément entre le salé, le sucré et l’épicé.
Le mélange des épices est sans nul doute le secret des saveurs de cette cuisine, tous ceux qui y ont goûté ont été surpris par ses qualités gustatives, chaque épice joue un rôle très spécifique et c’est ce qui lui donne une saveur inégalable et des odeurs à faire saliver n'importe quel gourmet.
Vous avez même parfois l'impression de manger un plat cuisiné a base de viande alors qu'il n'y a que des légumes, tout est dans la sauce.
Par contre, pour ceux qui n’en ont pas l’habitude, je vous conseille d’éviter les plats trop épicés et peu cuit si vous ne voulez pas vous retrouver aux toilettes avec des brûlures d’estomac et autres problèmes connexes, si vous voyez ce que je veux dire.
A l’heure dites, notre chauffeur nous attendait patiemment devant l’entrée et nous ramena à l’auberge. Après lui avoir donné un bon pourboire, pourtant maigre à nos yeux, il nous gratifia de remerciements et courbettes, comme si nous venions de lui sauver la vie.
Peut-être que, sans nous en rendre compte, alors que nous ne maîtrisions pas la monnaie locale, nous lui avions donné l’équivalent d’un mois de salaire. Mais peu importe, de le voir si heureux, ce fut pour nous « la cerise sur le Sunday ».
On nous avait prévenu qu’en Inde les moustiques et autres insectes étaient bien présents et pourraient véhiculer la Malaria, par précaution nous avions pris notre dose quotidienne de quinine et de surcroit dans notre chambre le lit était entouré d’une moustiquaire, fort heureusement, nous n'avons fait que les entendre bourdonner avant de nous endormir, tard ce soir là…